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QUITTER LA NUIT

Une nuit, une femme en danger appelle la police. Anna prend l’appel. Un homme est arrêté. Les semaines passent, la justice cherche des preuves, Aly, Anna et Dary font face aux échos de cette nuit qu’ils ne parviennent pas à quitter.

Critique du film 

Le film s’ouvre, nous voilà embarqués à bord d’une voiture qui file sur une route déserte. Dans l’habitacle, la caméra semble clandestine. Dans la nuit noire, on distingue à peine les visages de l’homme qui conduit le véhicule et de la femme à ses côtés. Cette dernière est au téléphone avec sa sœur. C’est, du moins, ce qu’elle fait croire à l’homme lorsqu’elle contacte les services d’urgences de la police. 

Quitter la nuit débute comme un polar. Nous sommes immergés dans la tension de l’appel téléphonique d’Aly, alors qu’elle est contrainte de taire ce qu’elle subit. Si, à l’autre bout du fil, Anna l’entend à demi-mot, elle comprend rapidement le danger et va tout faire pour aider son interlocutrice à s’en sortir. Dans la terreur, un lien immédiat se tisse entre les deux femmes, renforcé lorsque l’opératrice doit se faire passer pour la sœur d’Aly, afin de déjouer les soupçons de son agresseur. C’est une sororité qui dépasse la couverture, un lien qui signifie “tu n’es pas seule”.

Ce premier long de Delphine Girard, fait suite à son court-métrage Une sœur (nommé aux Oscars dans la catégorie meilleur court-métrage en 2020), dans lequel elle mettait en scène les trois mêmes protagonistes, déjà interprétés par Selma Alaoui (Ali), Veerle Baetens (Anna) et Guillaume Duhesme (Dary). Là où Une sœur concentrait son intrigue sur le coup de téléphone, Quitter la nuit s’émancipe des codes du thriller et dépasse même le film d’enquête. Après l’appel, lorsqu’elle est interrogée par la police, Aly raconte le viol qu’elle a subi. Delphine Girard construit alors son récit autour de trois points de vue : celui d’Aly, celui d’Anna et celui de Dary. 

quitter la nuit

Le film s’intéresse à ce qui se passe concrètement au niveau judiciaire, après qu’on ait eu le courage de parler. Il aborde, avec réalisme, les procédures laborieuses, les fameuses zones grises et surtout, ce qui est attendu des victimes. Aly refuse d’obtempérer lorsqu’on lui impose des examens médicaux qui l’empêchent de se doucher, jusqu’au lendemain de l’agression. Elle n’est pas présente au procès, qui a lieu deux ans après les faits. Dès lors qu’elle a contacté la police, on la contraint à endosser son rôle de victime, la rendant, malgré elle, presque seule responsable du bon déroulement de la procédure judiciaire. Mais, se demande-t-elle, qu’en est-il de sa propre réparation? Une condamnation la soulagera-t-elle ? 

À la manière d’un puzzle, Quitter la nuit donne peu à peu à voir les esquisses d’un lien entre trois destins, étoffant les points de vue de chacun de ses protagonistes et revenant de temps à autres, à cette fameuse nuit. Fort de dialogues justes et concis et d’une écriture minutieuse, Quitter la nuit donne à réfléchir sur le traitement sociétal et judiciaire des agressions tout en offrant, comme un souffle d’espoir, une histoire touchante de sororité. 


10 avril 2024De Delphine Girard, avec Selma AlaouiVeerle BaetensGuillaume Duhesme


Premiers Plans 2024




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