SCREAM 2, Neve Campbell, 1997, © Dimension Films/courtesy Everett Collection, d 94BBB04530AA428D_M,

SCREAM 2

Phil Stevens et sa copine Maureen Evans sortent ensemble voir en avant-première le film « Stab », inspirée de la tuerie de la ville de Woodsboro l’année précédente. Le public porte d’ailleurs en grande partie le costume du tueur. Mais parmi les fans déchaînés se cachent un nouvel assassin, qui poignarde devant toute l’audience la pauvre Maureen…
Sidney Prescott, une des réelles survivantes du premier massacre, s’est inscrit à la fac de Windsor où elle apprend l’art dramatique, avec son ami Randy. Mais avec ce nouveau fait divers, la jeune femme prend peur et ne peut à nouveau plus faire confiance en personne. Surtout qu’un meurtre intervient dans l’enceinte même du campus : la jeune Casey Cooper a été défenestré après avoir subi deux coups de couteau. Pour Sidney, ça ne fait aucun doute : le cauchemar recommence. Mais qui peut donc s’acharner à vouloir sa mort ? Et pourquoi ?

Critique du film

Dans l’impitoyable monde du septième art, pas facile de produire une suite convaincante après un premier succès. Combien de films ont-ils vu leur image ternie par la sortie d’un sequel laborieux ? Parfois, il faut savoir s’arrêter, et le cinéma horrifique en sait quelque chose. Remakes à foison, séries à rallonge : de l’interminable franchise Saw (neuf films sans compter les jeux vidéos) au fracas retentissant de Rec 3 en passant par le reboot poussif de la saga Massacre à la tronçonneuse cette année, le film de genre semble avoir du mal à tirer sa révérence. Passage obligé autant que pari risqué, le deuxième opus est ainsi devenu un sous-genre à part entière dans l’horreur au fil des années.

C’est donc sans surprise que Wes Craven choisit avec Scream 2 de poursuivre dans la veine méta qui faisait la force du premier film et de livrer un commentaire acide sur le format du sequel. Si le cynisme de Scream a conquis le monde et que tous les amateur.rice.s d’horreur peuvent encore énoncer de mémoire les règles de survie énoncées par le film (pas de sexe, tout le monde est suspect, ne jamais dire “je reviens tout de suite”), on pouvait craindre que la recette s’épuise et paraisse un peu redondante… Il n’en est rien.

Scream 2 allie au plaisir cinéphile la crédibilité de l’intrigue : on y retrouve les survivants du premier volet, désormais à la fac et en proie à de sérieux traumatismes. Là où la plupart des slashers ont tendance à évacuer la profondeur psychologique des personnages, Craven s’emploie à soigner l’écriture de son héroïne mythique, Sydney Prescott, ici en proie au PTSD et au désir de se reconstruire. Le suspens ne réside ainsi pas seulement dans l’identité du tueur mais aussi dans la capacité des personnages à faire de nouveau confiance et échapper aux mécanismes implacables du scénario horrifique – et on sait désormais que ce dernier a de multiple fois changé en raison de fuites malencontreuses avant la sortie du film. En parallèle, les héros doivent également faire face à l’adaptation de leur propre vie à l’écran – le film dans le film, intitulé Stab, ce qui complexifie encore la grille de lecture et permet à Wes Craven de réfléchir aussi bien aux ressorts de l’adaptation que de la suite.

Scream 2

De nouveau incarnée par Randy, le geek réjouissant du premier opus (“Les suites craignent !” martèle-t-il sans appel ; “Ce sont par définition des films inférieurs”), la méta-cinéphilie de Scream 2 approfondit la réflexion de la saga sur les parallèles entre le cinéma et la réalité, rajoutant une couche de mise en abime supplémentaire à son analyse, au risque de nous donner le vertige. En ouverture, nous nous retrouvons ainsi doublement assigné à notre rôle de spectateur, regardant les personnages regarder au cinéma le film que nous avons déjà vu – probablement dans les mêmes conditions – un an auparavant. À la façon des personnages qui se demandent, en classe de cinéma, si une suite peut surpasser le premier épisode (Alien ! Le parrain !), le réalisateur, capitalisant le succès récent de son premier film, tente au fond lui aussi de transcender sa propre œuvre et y parvient étonnamment bien.

Ajoutez à cela des clins d’oeil aux autres films de genre de la période – Sarah Michelle Gellar, auréolée de toute la gloire de Buffy, tient un rôle secondaire savoureux -, et un discours d’ouverture mordant sur le genre et la race à l’écran, et tous les ingrédients sont réunis pour faire de Scream 2 un film qui, s’il ne surpasse pas l’original, mérite tout autant son statut de classique et d’incontournable.


Diffusé sur Canal+ le 23 août 2022




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