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SABOTAGE

Face à l’urgence écologique, un groupe de jeunes activistes se fixe une mission périlleuse : saboter un pipeline qui achemine du pétrole dans tous les Etats-Unis. Car parfois, le seul moyen d’être entendu est de passer à l’action.

Critique du film

La fin justifie-t-elle les moyens ? Faut-il s’en résoudre à frapper plus fort pour être entendu.e.s ? Face à l’urgence climatique et à l’inaction des pouvoirs publics, complices de cette ultra-libéralisation qui se permet tout, jusqu’à la destruction des écosystèmes et des sols et à la pollution des nappes phréatiques, les actions militantes se multiplient pour contrecarrer les plans des grands industriels (pétroliers notamment). Face à la répression organisée, une frange d’activistes écologistes est même prête à entamer des frappes plus radicales pour porter leurs messages avec fracas.

« Puisque la loi ne vous punit pas, nous le faisons. »

Quand les petites actions (crevaison des pneus de SUV, ciblage des jets privés, édifices aspergés de peinture) ne semblent plus suffire, il faut marquer les esprits. C’est ce qui pousse Xochitl, Rowan, Logan, Michael, Theo et d’autres vingtenaires à viser plus haut pour toucher une installation essentielle aux Etats-Unis : une pipeline conduisant le pétrole à travers le pays. Sabotage nous fait découvrir les huit membres du groupe alors qu’ils se rejoignent dans un coin isolé du Texas pour exécuter leur plan. Azote, nitrate, acide, les préparatifs vont bon train, avec autant de débrouillardise que de conviction. Avec ces fioles que l’on remplit prudemment et ces fûts que l’on déplace en les faisant rouler, on se croirait presque dans Breaking bad, tant les paysages rappellent quelques séquences cultes de la série de Vince Gilligan. Pourtant, le projet n’est pas de fabriquer de la meth à l’abri des regards mais bien une bombe destinée à saboter la canalisation qui transporte le pétrole vers les raffineries. How to blow up a pipeline, le titre original, est explicite sur leurs intentions.

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S’appuyant sur le manifeste d’Andreas Malm, cette adaptation libre devient une fiction narrative, qui suit ce projet collectif de sa préparation à son exécution, en empruntant les codes du film de braquage. Suivant cette bande déterminée comme le ferait un heist movie avec un gang préparant un coup pour se venger d’institutions corrompues, Sabotage n’en oublie de raconter ses protagonistes alors que le spectateur se questionne. Qu’est-ce qui pousse ces jeunes au début de leur vie adulte à prendre de tels risques, quitte à mettre en péril leur liberté et même leur existence ? Car, malgré leurs connaissances spécifiques, leur relatif amateurisme et leurs moyens limités exacerbent les possibilités que l’opération tourne mal.

« C’était un acte de légitime défense »

Astucieusement, le film intègre des flashbacks, comme pour présenter l’origin-story de chacun.e de ces justiciers. En découvrant leur passif, on comprend mieux leurs motivations, au-delà même de leurs raisons éthiques. Si ces échanges philosophiques sont minimes et n’entravent en rien l’action, ils n’en demeurent pas moins éclairants. Le militantisme et la sensibilisation suffisent-ils alors que le compte à rebours semble déjà enclenché ? Que faire qui ne serait pas disqualifié par l’opinion publique ? Ce choix judicieux d’une narration entrecoupée trouve sa légitimité non seulement dans l’exposition de leurs mobiles et de l’élaboration du projet, mais elle a aussi pour effet de doper la tension pour tenir le spectateur en haleine.

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Alors que le cinéma horrifique s’est déjà emparé de ces sujets environnementaux, Daniel Goldhaber et ses co-scénaristes Ariela Barer et Jordan Sjol réinventent presque un nouveau type d’horreur écologique qui, en s’ancrant dans la réalité, en devient d’autant plus terrifiante. Défiant le public sur la nécessité du sabotage dans l’activisme politique et embrassant l’idée que les révolutions sont toujours passées par des actes violents – en dépit du storytelling façonné a posteriori -, Sabotage n’a pas peur d’assumer ses idéaux fondamentaux pour enjoindre le collectif à mettre en oeuvre un changement radical.

En 2021, le Suédois Andreas Malm avait fait scandale avec son texte théorique qui avait tout de même eu le mérite d’enclencher une réflexion mondiale autour de ce qu’il prônait : la seule manière morale et efficace d’aborder la catastrophe climatique imminente serait la violence à l’égard de ces mécanismes aggravant la crise, à commencer par l’industrie des combustibles fossiles. Imprévisible et éloquent, porté par une urgence palpable, Sabotage n’est peut-être pas un manifeste du même acabit, mais il n’en demeure pas moins un geste cinématographique galvanisant, qui traduit remarquablement les enjeux de notre époque, et une représentation percutante de la colère palpable d’une génération trahie qui possède désormais les moyens pour s’organiser et faire changer les choses.

Bande-annonce

26 juillet 2023De Daniel Goldhaber, avec Ariela BarerKristine Frøseth, Sasha Lane




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