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BARBIE

A Barbie Land, vous êtes un être parfait dans un monde parfait. Sauf si vous êtes en crise existentielle, ou si vous êtes Ken.

Critique du film

Sans doute faudrait-il être coupé de toute source médiatique pour ne pas avoir connaissance de l’adaptation de Barbie pour le cinéma. Bien en amont de sa sortie en salles, le film de Greta Gerwig était de toutes les conversations et s’annonçait déjà comme l’un des plus gros cartons de 2023. Les premiers résultats au Box Office sont rapidement venus confirmer le succès d’une campagne marketing plus qu’offensive, savamment orchestrée par le studio Warner Bros. Rarement blockbuster récent aura bénéficié d’un tel matraquage, si bien que le projet laissait de plus en plus craindre un produit final opportuniste et aseptisé, principalement destiné à vendre de nouvelles itérations de la poupée aux mensurations impossibles.

Barbie ou le féminisme pour les nuls

C’est un fait, Barbie demeure avant tout une immense publicité pour le produit phare de Mattel. Il s’agit même pour la société américaine d’une première incursion dans la production cinématographique, ses actionnaires étant bien décidés à reproduire les succès de leurs homologues (The Lego Movie chez Lego ou Super Mario chez Nintendo). Avec une place aussi prépondérante de Mattel dans la conception du long-métrage, il était difficile d’imaginer que le film puisse proposer un regard un tant soit peu critique sur l’entreprise mère et les valeurs ambivalentes véhiculées par la poupée depuis plusieurs décennies.

Pour autant, on sent chez Greta Gerwig une envie sincère d’interroger les contradictions et paradoxes inhérents à la figure de Barbie. Qu’il s’agisse de montrer le comité de direction de Mattel uniquement composé d’hommes (la plupart blancs) ou d’intégrer à la narration certains personnages problématiques ayant été commercialisés par la marque à une période avant de rétropédaler, le film revisite l’histoire de la poupée avec une lucidité plutôt bienvenue. La scène qui voit une adolescente expliquer à la poupée à quel point cette dernière a fait du mal à la condition féminine permet d’intégrer un point de vue largement revendiqué par les associations féministes.

Ces nobles intentions ne peuvent cependant dissimuler la nature purement mercantile du projet. Le film a beau se parer de jolis discours, il n’en demeure pas moins une longue réclame de deux heures qui chercherait presque à convaincre son public qu’acheter une poupée Barbie demeure un acte militant. Si le spectateur accepte de mettre de côté le cynisme total d’une telle entreprise, il pourra alors apprécier pleinement les atouts purement cinématographiques du long-métrage, à commencer par sa direction artistique plus que soignée et un tempo comique qui fait souvent mouche.

De Barbie à Robbie, il n’y a qu’un pas…

Finalement, l’intérêt principal de cet objet insolite réside peut-être au cœur même de sa conception. Maintes fois annoncé puis repoussé depuis la fin des années 2000, le long-métrage est passé entre les mains de nombreux scénaristes. Une version mettant en scène Amy Schumer a même failli voir le jour, puis abandonnée suite au départ de la comédienne pour divergences artistiques. Margot Robbie décroche finalement le rôle principal en 2019. Loin de se cantonner à l’interprétation du personnage, Robbie va également officier en tant que productrice, un statut qui va lui permettre de participer pleinement à l’élaboration du film. C’est elle qui convainc Greta Gerwig d’en écrire l’adaptation et d’assurer la réalisation. Le film va alors prendre une forme meta particulièrement intéressante à analyser en regard de la carrière des deux femmes (Gerwig étant également comédienne).

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Depuis sa révélation dans Le loup de Wall Street, Margot Robbie a pris de soin de choisir attentivement ses rôles afin de casser au mieux l’image de bimbo véhiculée par le film de Scorsese. Et si certains de ses rôles ont rendu justice à ses ambitions (Moi Tonya, Scandale), elle n’a pas totalement pu échapper au regard ultra sexualisé dont font preuve encore trop de films hollywoodiens (Suicide Squad version David Ayer). La séquence où Barbie tente d’échapper au PDG de Mattel qui souhaite la faire rentrer littéralement and une boîte illustre plutôt bien cette dualité. Dans ces moments, Barbie peut se voir comme un commentaire sur la carrière de l’actrice australienne, et plus largement comme une parabole de la condition des actrices au sein de l’industrie hollywoodienne. La présence d’America Ferrera au casting se révèle d’ailleurs une idée plutôt maline, l’actrice ayant participé à interroger certains stéréotypes féminins et ethniques dans la série Ugly Betty.

Objet pop tiraillé entre des intentions trop contradictoires pour former un tout cohérent (une comédie progressiste d’un côté et un produit d’appel consumériste de l’autre), Barbie peut néanmoins compter sur le talent de tous ceux impliqués à sa conception pour en faire un divertissement stimulant plastiquement et thématiquement. Et bien qu’il assène son discours maladroitement et de manière trop littérale, on ne pourra jamais reprocher au film de représenter un modèle de construction sociale éloignée des assignations de genre auxquelles sont encore soumise la plupart des petites filles et petits garçons.

Bande-annonce




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