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WOMEN TALKING

Des femmes d’une communauté religieuse isolée luttent en 2010 pour réconcilier leur foi et leur réalité quotidienne.

Critique du film

Ne rien faire, rester et se battre, ou partir. Voilà le choix difficile auquel sont confrontées les femmes d’une communauté religieuse, qui vit coupée du monde, après avoir subie plusieurs violences sexuelles et physiques. Un vote élimine rapidement la première option. Les femmes refusent de ne rien faire. Restent les deux autres. Que faire ?

Résolue à transposer au cinéma le roman de Miriam Toews, Women Talking (Ce qu’elles disent, dans nos contrées), l’actrice Frances McDormand en a acquis les droits d’adaptation et proposé à Plan B de produire le film avec elle. Assez naturellement, leur choix s’est porté vers la trop rare Sarah Polley. La canadienne, dont on ne peut ignorer le militantisme féministe, s’est ainsi vue confier la tâche de porter à l’écran ce matériau important, largement salué comme l’un des ouvrages majeurs de l’année 2018 outre-Atlantique.

Dans Women talking, un groupe de femmes, de tous âges et d’avis souvent divergents, se lance dans un débat d’une journée pour déterminer leur avenir suite au viol de plusieurs jeunes filles. Comment construire ensemble un futur meilleur pour elles-mêmes et pour leurs enfants, loin de la violence des hommes de leur communauté ? Rester auprès de leurs proches, dans une vie où elles ont tant d’attaches, signifierait pardonner à ces hommes leurs agressions sexuelles. Pardonner pour ne pas être excommuniées, pardonner pour aller aux Cieux. Mais comment rester et se battre, comme le souhaite Salome, alors que les maris ont souvent la main lourde, que la parole des femmes n’est pas permise (pas même pour demander à tirer un rideau) et que les règles établies au nom de Dieu pèsent comme une chape de plomb pour servir la domination patriarcale ? C’est dans ce silence absolu que réside l’horreur.

Women talking

A story of violence

Maintenant la violence hors-champ, Women talking la raconte dans les maux que ces femmes verbalisent. Dans cet espace, qui devient un lieu de parole quasi non-mixte (un seul homme, l’enseignant du village, visiblement déconstruit dans son rapport aux femmes), les douleurs s’expriment mais le cadre demeure solidaire. Mère, grand-mère, fille, épouse, soeur. Toutes ou presque ont été violées, engrossées sans leur consentement, et souvent battues. La douleur se lit parfois sur les visages, tuméfiés ou non. Elle s’entend dans leur voix, leurs cris et leurs larmes. Elle se devine sur leur coeur, lourd, en quête d’un avenir où la peur ne serait plus leur quotidien.

Rooney MaraClaire Foy et Jessie Buckley, qui composent une partie de ce casting féminin impérial, sont admirables de justesse et de retenue (ou non) pour exprimer à leur façon leurs traumas et leurs désirs de combat et de changement. Ben Whishaw, qui incarne le seul homme identifié à l’écran et invité à assister à leur réunion, non pour y participer mais pour recueillir leurs propos, porte une belle émotion lorsqu’il s’efface et contient ses espoirs d’union avec Ona, qu’il sait devoir laisser partir. Il devient alors, plusieurs feuilles noircies de son crayon en main, le porteur d’un message, le véhicule d’un rappel de ce qui est possible et trop facile à oublier.

Women talking

Dans ce microcosme qui sert de décor au récit de Woman talking, c’est tout un système de domination et de traumatismes qui est pointé du doigt. Au fil de cette réunion en huis-clos, c’est toute la force de la sororité et du collectif qui nourrit leur espoir, déborde de l’écran et vient gonfler nos coeurs. Leur résolution à trouver enfin le droit de disposer d’elles-mêmes bouleverse tant elle est illustrée avec une grande intelligence par la cinéaste et scénariste canadienne, dont on sait combien elle est capable d’emprunter d’autres sentiers que les raccourcis qui s’offrent à elle. Sarah Polley filme avec délicatesse leur culpabilité et leur quête d’apaisement. Son épilogue, terriblement poignant, où l’intime devient universel et confère à Woman talking une dimension épique, invite à s’affranchir de l’oppression et à explorer de nouveaux horizons. Pour que les femmes de demain soient enfin libres de disposer de leur corps comme de leur vie. Et pour que les hommes de demain soient différents des hommes d’un temps révolu.

Bande-annonce

8 mars 2023De Sarah Polley, avec Rooney MaraClaire FoyJessie Buckley




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