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RODÉO

Julia vit de petites combines et voue une passion dévorante, presque animale, à la pratique de la moto. Un jour d’été, elle fait la rencontre d’une bande de motards adeptes du cross-bitume et infiltre ce milieu clandestin, constitué majoritairement de jeunes hommes. Avant qu’un accident ne fragilise sa position au sein de la bande…

Critique du film

Après six court-métrages, dont le remarqué Au loin Baltimore (2016) déjà situé dans le milieu des motards et des courses en ligne, – De Lola Quivoron réalise son premier long-métrage, Rodéo, présenté en compétition de la sélection Un certain regard au festival de Cannes 2022. Cette obsession de la réalisatrice a comme point d’origine l’adolescence et un goût très prononcé pour ce milieu qu’elle dit ne plus avoir quitté depuis qu’elle l’a filmé il y a déjà six ans. La surprise initiale du film n’est pas à proprement parlé son sujet, mais bien le choix de son personnage principal, Julia.

Jouée par Julie Ledru, elle devient le véhicule privilégié de l’autrice au cœur du récit, véritable boule de nerfs sans attaches qui se retrouve sans domicile dans l’introduction, vivotant au grès de petites combines et vols en tout genre. Selon son propre avis elle n’a pas besoin d’argent, étant donné qu’elle vole ce dont elle a besoin pour vivre. Julia est un mille-feuilles, elle ne cesse de changer de vêtement, dans une expression de genre très neutre, incorporant un milieu exclusivement masculin où les seules femmes se trouvent en bordure de la route pour supporter leurs petits-amis rivalisant de virilité sur la piste tous chromes dehors.

C’est sans doute dans la confection et dans l’écriture autour de la personnalité de Julia que l’on retrouve la plus grande réussite de Rodéo. Toujours sur la brèche, il y a quelque chose de fascinant à la voir évoluer toujours dans des lignes de crêtes et au bord du gouffre, allant toujours plus loin dans son errance là où l’on croyait déjà avoir franchi des sommets de violence et de marginalité. Ce point fort induit presque mécaniquement les défauts qui grêlent quelque peu l’écriture du film. Par effet de miroir, les autres personnages sont plus ternes, moins identifiés et par conséquent moins attachants. On retrouve moins d’aspérités par exemple chez Kais, qui devient son principal allié, dans un jeu amoureux qui ne porte pas son nom mais où l’on ressent de la complicité en creux.

Rodéo

La dimension plastique du film est également prépondérante, avec le choix du cinémascope en format 2:39. Cela donne à l’image un coté western qui est particulièrement adéquat avec ces scènes de vitesse où rouler est synonyme de liberté, notamment dans cette très belle séquence où Julia et Ophélie, jouée par Antonia Buresi également co-scénariste du film, partent dans une ballade qui a des accents très prononcés d’émancipation loin du contrôle d’un chef qui contrôle tout de sa prison. Ces petits moments rappellent à quelle point le contrôle masculin est fort dans cet univers où la virilité s’exprime par des figures effectuées sur la roue arrière, mais également par une violence verbale de tous les instants. En ce sens, avoir écrit un personnage à la croisée des genres est d’une grande inventivité, preuve d’un talent certain.

Hélas on peut regretter un dernier tiers moins réussi, avec des facilités dans l’écriture, notamment dans le final, qui ne permettent pas à Rodéo de remplir toutes les promesses et les belles intentions affichées pendant plus d’une heure et quart. L’intensité des dernières scènes, qui auraient du être un sommet marquant de l’histoire, n’est pas vraiment au rendez-vous, et la conclusion est décevante pour un si beau personnage dont on attendait plus vu sa singularité. Rodéo reste un beau coup d’essai pour Lola Quivoron qui a démontré des talents dans son écriture et une audace dans ses choix qui sont autant de pistes pour l’avenir.

Bande-annonce

7 septembre 2022 – De Lola Quivoron, avec Julie Ledru, Yanis Lafki et Antonia Buresi


Festival de Cannes – Un Certain Regard