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FRÈRE ET SOEUR

Un frère et une sœur à l’orée de la cinquantaine… Alice est actrice, Louis fut professeur et poète. Alice hait son frère depuis plus de vingt ans. Ils ne se sont pas vus depuis tout ce temps – quand Louis croisait la sœur par hasard dans la rue, celle-ci ne le saluait pas et fuyait… Le frère et la sœur vont être amenés à se revoir lors du décès de leurs parents.

Critique du film

Habitué du festival de Cannes, Arnaud Desplechin est de retour en compétition après la présentation dans la section Cannes Première de Tromperie, son film précédent sorti en 2021. Il est de ces auteurs qui ont exploré de nouvelles pistes ces dernières années, quitte à s’aliéner un public cinéphile qui tolère peu que les grands auteurs prennent des chemins de traverse vers un cinéma jugé au mieux mineur, au pire raté. Frère et sœur est une sorte de retour dans des eaux plus connues, celles de Conte d’hiver et Rois et reines, mais sans ses acteurs fétiches, Mathieu Amalric et Emmanuelle Devos. À leur place, on retrouve Marion Cotillard et Melvil Poupaud, nouvelles incarnations des archétypes du cinéma de Desplechin, entre Lille et Roubaix.

Si l’on rapproche assez rapidement ce nouveau projet des grandes heures de la filmographie de l’auteur de la Sentinelle, c’est qu’on y retrouve un même sens de l’absurde et de la création de moments décalés qui identifient immédiatement les scènes à ce cinéma bâti depuis plus de trente ans. La réaction est forcément clivante, a-t-on envie d’un énième retour à cet univers semi-autobiographique au jeu si particulier ? La réponse se trouve dans le film lui-même et sa capacité à accomplir une oeuvre convaincante où l’on accepte de digérer des morceaux de jeu particulièrement extravagants et outrés. Il est en effet compliqué de comprendre pourquoi l’auteur insiste autant sur la détestation entre ce frère et cette sœur, pour aboutir sur le constat simple que tout ceci n’est que peu de chose, une incompréhension nimbée dans de la jalousie et un entêtement tout ce qu’il y a de plus puéril.

Si le postulat de l’absurde peut faire avaler bien des facilités d’écriture, faut il encore que les personnages aient une consistance qui rive le spectateur à son siège, telle une certitude qui pousse à dépasser l’hébétement de scènes très décousues. Ce point est sans doute ce qui va séparer les acquis des déçus. Pour en arriver à une inévitable réconciliation, on ne saura jamais vraiment pourquoi tous deux se haïssaient autant, il faut encaisser une succession de scènes improbables, qui vont du surgissement d’un camion fou, à la mort de parents qu’on accuse de tous les maux comme le feraient des adolescents trop gâtés, incapables prendre de la hauteur sur leur propre manque de maturité. C’est un des aspects qui blesse dans Frère et sœur : Louis et Alice sont aussi détestables l’un que l’autre, murés dans leur hubris et leur colère, utilisant les gens qui les entourent pour nourrir leur petit jeu.

Les autres personnages ne sont à coté que de maigres esquisses, Patrick Timsit n’est que son sourire, Golshifteh Farahani un prétexte de scénario sans épaisseur, réduit à un rôle de génitrice d’enfant décédé jamais défini autrement que par son utilité pour nourrir l’aigreur de Louis. Ce petit jeu qui relie Louis et Alice devient assez lassant, voire pervers si l’on pense à tous les dommages collatéraux qu’il cause tout au long du récit. L’étroitesse de l’intérêt porté par la relation entre ces deux frère et sœur est d’autant plus regrettable qu’elle est poussée par un couple de cinéma pourtant enthousiasmant sur le papier. Il fleurit dès lors l’idée que si grands soient ces acteurs ils ne peuvent se substituer aux historiques Amalric/Devos, témoins d’un cinéma grippé et en panne de renouvellement.

Bande-annonce

20 mai 2022De Arnaud Desplechin, avec Marion Cotillard, Melvil Poupaud et Patrick Timsit.

Cannes 2022 – Compétition officielle

 

 

 




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