GRAND PARIS
Leslie, un jeune banlieusard désabusé, entraîne son meilleur pote Renard dans une combine foireuse à l’autre bout de l’Île de France. Sur un chantier de la future ligne de métro – le Grand Paris Express – ils découvrent un mystérieux artefact. De quoi aisément en tirer un petit billet. Mais, au fil de leur périple, la
banlieue parisienne devient le théâtre d’étranges phénomènes.
Critique du film
De RER en RER, de bus en covoit, Martin Jauvat nous promène dans la grande couronne et nous emmène découvrir les provinces reculées du 78 et du 77, le département qui l’a vu grandir. Le temps d’un trajet Romainville-Chelles (80 minutes), le spectateur.trice suit les péripéties sans queue ni tête de Leslie et Renard, deux compères dignes des meilleurs duos comiques -l’un taciturne, pragmatique, renfermé, l’autre jovial, naïf, pataud. Si les trains de banlieue et leurs dysfonctionnements structurent le rythme de l’histoire, il ne s’agit pas tant de réfléchir au rôle qu’ils jouent dans la vie des héros que de les accompagner dans une errance parfois touchante, parfois carrément absurde, que le réalisateur qualifie lui-même de “road trip en transports en commun”.
Pur produit du 77, Martin Jauvat poursuit ici sur sa trajectoire cinématographique en continuant de filmer le territoire qui l’a vu grandir, ses vides, son ennui mais aussi ses petites joies et sa sociabilité. Il renoue avec la jeunesse de banlieue et son univers, que symbolisait déjà le titre de son court-métrage précédent (Le sang de la veine) et campe également l’un des rôles principaux, à qui il insuffle ainsi une grande part d’autobiographie (lui aussi, comme Renard, est très bon au ping-pong). Sur le ton de la comédie loufoque, il retrouve et fait défiler une ribambelle de comédiens en pleine ascension (Anaïde Rozam, Marguerite Thiam, Mahamadou Sangaré) voire carrément établis (William Lebghil) dans une joyeuse ambiance de camaraderie.
Si on pourrait aisément choisir de ne voir dans Grand Paris qu’une histoire drôle et un projet entre potes, ce serait sans compter la vision que propose le film de la banlieue et sa jeunesse… et c’est là où le bât blesse. Sous prétexte d’une comédie de caractères mâtinée de réalisme, Grand Paris n’offre finalement qu’une représentation assez paresseuse voire caricaturale des jeunes de banlieue, hésitant entre un propos parfois vaguement social (comment se sortir de l’inertie de quartiers sans avenir ?) et le cliché de base (trafic de drogue et manque d’éducation qui confine parfois à la bêtise).
Sans nier la réalité des difficultés et les inégalités auxquelles sont confrontées les adolescent.e.s des zones les plus pauvres de l’Île de France, on ne peut s’empêcher d’avoir l’impression de revoir un film qui a, en quelques sortes, déjà été fait mille fois. Ce manque d’ambition tient sans aucun doute au ton résolument léger du film, mais Martin Jauvat a également la maladresse d’y ajouter une vision peu fine du harcèlement de rue et une blague sur l’homophobie qui tombe comme un cheveu sur la soupe.
On regrette les longueurs du film, qui aurait pu aisément se contenter d’être un court-métrage, et les détours que, à l’image de ses héros, il emprunte infiniment. Si la fin réveille et surprend, façon Gregg Araki (un cinéaste qu’affectionne le réalisateur) c’est un peu trop tard et c’est dommage ; cette audace de dernière minute manque un peu au propos et condamne Grand Paris à tourner un peu en rond.
De Martin Jauvat, avec Mahamadou Sangaré, Martin Jauvat et Sébastien Chassagne.