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RADIO METRONOM

Bucarest, 1972. Ana a 17 ans et rêve d’amour et de liberté. Un soir, elle rejoint ses amis à une fête où ils décident de faire passer une lettre à Metronom, l’émission que Radio Free Europe diffuse clandestinement en Roumanie. C’est alors qe débarque la police secrète de Ceausescu, la Securitate…

Critique du film

C’était comment, avoir 17 ans, en Roumanie, au début des années 70 ? C’était pas la joie, nous assure Alexandru Belc qui tisse une fiction sans échappatoire où les rêves hippies de la jeunesse se heurtent à la dure réalité d’une société de la surveillance et de l’étau. En résulte un film implacable et paradoxalement assez doux, dont la mise en scène, sobre, retranscrit le formol de l’époque.

Scripte pour Mungiu et Porumboiu, puis documentariste, Alexandru Belc signe, à 40 ans passés, son premier long-métrage de fiction dans lequel il rend hommage à la génération de ses parents, grandie sous la férule communiste de Nicolae Ceausescu. Radio Metronom met en scène une nuit de bascule où le froid silence d’un commissariat fait cruellement écho aux rythmes enfiévrés de Janis Joplin et Led Zeppelin. Cette nuit-là, Ana perdra sa virginité et ses illusions. C’est à travers le personnage de cette jeune fille que le réalisateur trace une ligne brisée, celle de toute une génération qui trouve, dans les programmes d’une radio musicale, le chemin vers une forme d’évasion.

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Quand la nuit bascule

En quelques heures, Ana va tout connaître. D’abord les émotions d’une lycéenne lambda : le lutte avec les parents pour sortir, la brouille avec son copain dont le départ imminent l’ébranle, les confessions entre copines, la ferveur d’une soirée festive (très belles scènes de danse), la première fois avec Sorin. Alexandru Balc cherche la justesse, sa reconstitution est minutieuse, ni poussiéreuse, ni surchargée. Les scènes prennent corps dans la durée, toujours accrochées aux sentiments d’Ana, prise en tenaille entre relâchement et inquiétude. Et puis Ana sort prendre l’air quelques minutes et à son retour, c’est la nuit qui bascule, la vie qui dérape. Des agents de la Securitate se sont invités à la fête qui, soudainement, tourne au cauchemar. Tous se retrouvent embarqués au commissariat. Le film abandonne tout accompagnement musical (jusqu’au générique final) pour se concentrer sur le dilemme moral qui est imposé à Ana et ses ami.e.s.

Les corps joyeux et lascifs sont désormais raidis par la peur. En cause, le projet bien innocent d’une lettre envoyée à un animateur radio pour transmettre la playlist idéale de la petite bande. Au-delà, Ana découvre, muette et abasourdie, qu’il y avait un mouchard dans le groupe. Son refus d’obtempérer la conduit tout droit dans le bureau du commissaire (interprété par le grand Vlad Ivanov) qui, entre attitude paternaliste et éclats de colère, lui fait comprendre l’impasse dans laquelle elle se trouve : collaborer à sont tour ou plonger sa famille dans le chaos et l’humiliation. Le destin de la jeune femme est scellé, entraînée dans un jeu aux règles truquées. Quand bien même le film ne tire pas sur la corde de l’empathie, la disproportion des moyens mis en œuvre est parfaitement dénoncée, une surenchère qui révèle en creux, la fragilité intrinsèque du régime.

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Impitoyable système

Radio Metronom joue sans faute la partition d’un feu naissant bien vite étouffé. Du Light my fire de Jim Morrison à la glace d’un interrogatoire, des minutes incandescentes aux heures blanches, Ana voit les mâchoires du systèmese refermer sur elle sans pitié. La caméra scrute le visage boudeur de Mara Bugarin en quête d’une réaction. Mais il est déjà trop tard. On ne lutte pas seule contre un système, on s’adapte. Au détour d’un échange entre policiers, on apprend la défaite de la Roumanie en finale de la Coupe Davis qui a opposé, à l’automne 1972, l’équipe de Nastase et Tiriac aux USA emmenés par Stan Smith dont les célèbres chaussures blanches, ironie de l’Histoire, inonderont le marché mondial, quelques années plus tard. Par petites touches, le film raconte ainsi une époque. Le film a obtenu le prix de la mise en scène Un Certain Regard au Festival de Cannes 2022. Alexandru Belc a voulu rendre l’atmosphère cotonneuse d’une mort à petit feu, non sans tomber parfois dans le piège d’un cinéma par trop dévitalisé.

Bande-annonce

4 janvier 2023 – De Alexandru Belc
avec Mara Bugarin, Şerban Lazarovici et Vlad Ivanov




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