MISSION : IMPOSSIBLE – THE FINAL RECKONING
Deux mois ont passé après qu’Ethan Hunt ait réussi à récupérer une clé cruciforme capable de trouver le code source de l’intelligence artificielle appelée « l’Entité » dans le sous-marin russe le Sebastopol, disparu sous la mer. Alors que son ennemi juré Gabriel fait pression sur lui pour récupérer le matériel lui permettant de contrôler l’Entité et rebâtir le monde à son image, Hunt, accompagné de son équipe de la IMF, se lance dans la mission la plus périlleuse de sa vie qui lui demandera beaucoup de sacrifices.
Critique du film
Il semble lointain le temps du grand De Palma, lorsque le premier Mission Impossible (1996) était avant tout un thriller paranoïaque au complot savamment orchestré, avant d’être le début d’une franchise propice à la débauche de moyens. Presque trente années ont passé depuis le début des cascades d’Ethan Hunt à l’écran, l’heure est désormais à la clôture. Reste à savoir si cette sortie s’avère aussi explosive que le marketing promotionnel le laissait suggérer.
Formule usée
« Faites-moi confiance une toute dernière fois » s’exclame l’avatar presque transparent de Tom Cruise alors qu’il s’apprête à entamer sa dernière mission. La phrase, presque impérative, s’adresse sans le moindre doute aux spectateurs, une nouvelle fois coincés avec un Tom Cruise s’acharnant à la surenchère. Cette fameuse escalade vers le « toujours plus » arrivait déjà à son paroxysme depuis la mise aux commandes d’un certain Christopher McQuarrie, dont les actions sur le plateau de tournage sont en grande partie co-pilotées par l’acteur principal de la série. S’accrocher à un avion cargo en plein vol, privatiser Paris en tant que terrain de jeu, enchaîner un saut motorisé et une descente en parachute, toutes ces images n’ont sûrement pas échappé au public tant elles incarnent désormais l’essence de la saga. Mais derrière les alléchantes promesses d’actions incessantes se cache un terrible revers de la médaille parfaitement cristallisé au sein du dernier volet en date : l’uniformisation insipide d’une formule n’arrivant plus à se renouveler.
La plupart des spectateurs viendront probablement chercher dans ce chant du cygne leur dose annuelle de grand spectacle. À bas l’espionnage, les vilains aux plans alambiqués, désormais une chose compte plus que jamais : en mettre plein la vue au quidam en mal de sensations fortes. Terrible de constater que, malgré des objectifs revus à la baisse, le film peine à impressionner. La première heure patauge, faisant du surplace pour tenter d’imposer un scénario loin d’être palpitant. Les séquences d’action se limitent donc à des moments bâclés, jamais un minimum mis en scène pour les rendre attrayantes : un saut en plein océan, probablement plus saisissant derrière la caméra, un énième désamorçage de bombe impliquant un terrible sacrifice (trope redoublé de manière quasiment identique), une prise d’otages sans une once de suspense. Il faut croire que la vraie équipe de Mission Impossible, celle s’occupant de produire un tel blockbuster, ne réfléchit plus hors des scènes capables d’assurer la promotion de l’œuvre. Peu importe que le tout s’effondre une fois projeté en salle tant que la bande-annonce attire du monde, voilà ce qui semble être devenu la doctrine principale du processus créatif (si « créatif » s’applique encore à un tel élan de suffisance).
La grâce et l’ego
Reste à sauver un passage. Une ultime séquence, véritable moment de grâce dans un film qui ne se soucie plus vraiment de divertir avec intelligence : la plongée étourdissante du protagoniste dans un sous-marin nucléaire pris sous les glaces de l’arctique. Si ce bref résumé peut paraître assez peu attrayant, c’est dans la finesse de sa construction que se trouve tout le génie d’un tel instant. L’agent Ethan Hunt progresse avec une lenteur antinomique à la série, dans un environnement qui a tout pour être hostile, s’affranchissant de la physique terrestre pour jouer avec l’horizontalité et la verticalité. L’ensemble est d’une tension folle, rappelant même des chefs-d’œuvre aquatiques tel que Abyss de James Cameron.
Le secret de la réussite se trouve certainement dans cette volonté de prendre à revers les codes de la formule, en se débarrassant des attendus habituels. Cette descente immergée rappelle davantage le film d’aventure que le film d’action, l’ensemble évoque l’exploration d’une ruine antique où le héros doit ruser entre des pièces piégées pour atteindre un trésor final. Ce qui s’apparente au climax du long-métrage n’arrive pourtant qu’au milieu, ramenant la saga à ses plus vieux démons et au manque de rythme inhérent à la deuxième partie de bien des opus. D’autant plus que la véritable séquence finale ne s’avère qu’être une copie de la poursuite en hélicoptères du sixième épisode (Fallout). C’est surtout le manque d’imagination qui finit par décevoir.
Mission : Impossible – The Final Reckoning est un film manquant profondément d’équilibre. Rien ni personne n’a d’intérêt en dehors de l’acteur principal, le reste du casting paraît inexistant une fois sorti de son champ de vision (rappelons tout de même que le premier film se basait d’abord sur la tragédie de perdre son équipe pour un agent). Quelques envolées philosophiques poussives pointent les limites d’écriture de la saga, tandis que les scènes entre les cascades majeures ne sont plus que des transitions, des passages obligatoires pour continuer à satisfaire l’ego-trip de sa figure de proue. Ces défauts d’équilibrage ne permettent même pas une sortie du carcan scénaristique habituel de la saga afin de se concentrer uniquement sur des set pieces plus réfléchies et amusantes. Le spectaculaire tant souhaité par McQuarrie et Cruise se fait au prix d’irrémédiables rognures sur absolument tous les autres éléments.
L’arrivée du générique ferait presque lâcher un soupir de soulagement tant ce dernier opus échoue à donner à la saga les adieux qu’elle méritait. Mission Impossible tente de se « Marvelifier » en faisant de la série un univers étendu que personne n’avait demandé tout en ajoutant une dose de fan service hors sol. L’inventivité n’est plus le ciment liant chaque élément du long-métrage, le seul but de cette course effrénée semble n’être que l’aboutissement à un moment choc, plus proche d’une grasse séquence publicitaire que d’un pur instant de cinéma méticuleusement fabriqué.
Bande-annonce
21 mai 2025 – De Christopher McQuarrie