goldman 1

LE PROCÈS GOLDMAN

En avril 1976, débute le deuxième procès de Pierre Goldman, militant d’extrême gauche, condamné en première instance à la réclusion criminelle à perpétuité pour quatre braquages à main armée, dont un ayant entraîné la mort de deux pharmaciennes. Il clame son innocence dans cette dernière affaire et devient en quelques semaines l’icône de la gauche intellectuelle. Georges Kiejman, jeune avocat, assure sa défense. Mais très vite, leurs rapports se tendent. Goldman, insaisissable et provocateur, risque la peine capitale et rend l’issue du procès incertaine.

CRITIQUE DU FILM

Si les films de procès ont pu appartenir à un sous-ensemble mis en valeur par le cinéma anglo-saxon, on peut affirmer que le cinéma français le remet en lumière avec virtuosité depuis plus d’un an. Que ce soit Saint Omer, Anatomie d’une chute, ou maintenant Le procès Goldman, ce sont des projets de mise en scène extrêmement audacieux et intéressants qui sont développés autour de la figure du prétoire et de la cour d’assises. Le spectre de « l’histoire vraie » n’est jamais bien loin, et, pourtant, ce qui frappe avec le nouveau film de Cédric Kahn, c’est qu’on peut très bien ignorer complètement cette affaire, et pourtant la vivre avec une intensité exceptionnelle.

1976, les années Giscard, mais aussi une peine de mort encore utilisée, notamment en juillet cette année-là, Christian Ranucci subissant la guillotine, antépénultième victime de ce système barbare. Pierre Goldman, renvoyé aux assises après que la cour de cassation ait annulé la condamnation de son premier procès, se retrouve de nouveau confronté à la possibilité d’être condamné à mort pour le double meurtre de la pharmacie du boulevard Lenoir. Si Goldman, joué par Arieh Worthalter, est de tous les plans, c’est sans lui que commence pourtant le film. Ses avocats s’entretiennent, le plus jeune découvrant la colère de son confrère qui vient d’apprendre que son client ne veut plus de lui. C’est tout un portrait du personnage qui est passé en revue pendant dix minutes aussi drôles que tragiques.


En son absence, la seule d’un film où il va rayonner sans discontinuer, on nous présente son intelligence, sa grande culture, son instabilité et ses sautes d’humeur. Cette défense est tout sauf facile, Goldman considérant qu’il est son meilleur avocat, et qu’il devrait se débrouiller seul. Ces excentricités ne sont évidemment que façade, et tout le procès montre l’extrême fragilité psychologique d’un homme effroyablement seul, malgré la foule qui est là pour le soutenir et scander son innocence jusque dans la salle d’audience. L’orchestration de chaque journée est grandiose, Cédric Kahn met en scène ce trublion avec panache, multipliant les moments de gloire, faisant jaillir l’émotion de manière régulière, jusqu’à faire déborder un vase bien plein.

Pierre Goldman se présente très vite comme l’ambassadeur d’une génération de juifs français envers qui la France a une dette. Réticent à suivre ce chemin, Maître Kiejman, lui aussi d’origine juive polonaise, finit par comprendre l’importance de l’affect autour de son client. Goldman est plus grand que sa pauvre condition de petit malfrat, coupable de quelques petits braquages minables, signes de la dissolution de sa personne dans un train de vie bien éloigné de ses élans révolutionnaires initiaux. À travers lui, c’est toute une génération qui défile, et c’est aussi celle des parents, ces immigrés de fraîche date qui se sont battus pour la France et ont saigné pour elle, ce que reprennent des plaidoiries qui restent longtemps en mémoire.


Pierre Goldman est tel le Seymour Glass de J.D. Salinger, il est ce grand frère beaucoup trop intelligent et sensible qui finit par se consumer et mourir par faute d’adaptation à un monde qui lui est inférieur. Ce n’est pas un hasard si Arieh Worthalter fait curieusement penser au Maurice Ronet du Feu follet de Louis Malle. Cette figure du flambeur qui a vécu trop intensément semble cousue main sur le corps de Pierre Goldman. Cédric Kahn en fait le réceptacle de toute une gauche française, révolutionnaire, anti-fasciste, qui fit front derrière lui, jusque dans des funérailles intervenues après la stupeur de l’assassinat. Si Le Procès Goldman n’est pas un grand film, mais c’est sans aucun doute une œuvre qui hante et flotte, habitant de toute son émotion les esprits sensibles qui lui ont laissé une place.

Bande-annonce

27 septembre 2023 – De Cédric Kahn, avec Arieh Worthalter, Arthur Harari et Stéphan Guérin-Tillié.


Cannes 2023 – Quinzaine des cinéastes




%d blogueurs aiment cette page :