La Cocina

LA COCINA

A l’heure du déjeuner, l’effervescence de la vie dans la cuisine d’un restaurant de New York.

Critique du film

Dix ans séparent Güeros, couronné de l’ours d’argent du meilleur premier film de la Berlinale 2014, de La Cocina, nouveau long-métrage d’Alonso Ruizpalacios en compétition internationale dans ce même festival berlinois. C’est aussi le premier film en langue anglaise, situé à New-York, pour le réalisateur mexicain. Rooney Mara émerge d’un casting d’acteurs de tous horizons, que ce soit Oded Fehr, acteur israélien connu pour ses nombreux rôles dans des films de série B, ou Raùl Briones, déjà présent au casting de Notre histoire policière, film réalisé par Alonso Ruizpalacios et produit par Netflix en 2020.

La Cocina est le cœur de The Grill, un grand restaurant populaire de Time’s square, une des places les plus connues de New-York. On y entre en suivant Estela, jeune mexicaine qui vient chercher du travail par le biais de Pedro, un ancien habitant de son village parti aux Etats-Unis il y a quelques années. Dès les premiers instants, le film ne manque pas d’idées visuelles. Syncopées, dans un effet roman-photo imprimant beaucoup de mouvement, les images qui accompagnent le chemin d’Estela sont déroutantes, mais pas dénuées d’un certain style, que la photographie en noir et blanc magnifie avec classe. Embauchée sur un malentendu, Estela pénètre dans cette grande cuisine, présentée comme un univers autonome qui vit à une vitesse effrénée.

On y parle Français, Anglais, Espagnol, et quantité d’autres langues témoignant de la diversité qui règne dans un pays qui est encore considéré comme une opportunité pour beaucoup d’immigrants en quête d’un futur plus doré que celui qui leur était destiné dans leur territoire de naissance. Si l’on quitte rapidement Estela pour tourner autour de la myriade d’autres personnages dévoilés en farandole à l’écran, c’est pour révéler que ce monde de possibles est avant tout un chaos insondable, où la folie n’est jamais loin, prête à dévorer tous ceux qui ne seraient pas assez forts pour lui résister. Les véritables personnages principaux sont révélés avec le couple formé par Julia et Pédro, dans une magnifique scène où ils font semblant de ne pas se connaître.

Si l’écriture de cette troupe est par instants très belle, notamment autour de Julia qui est très bien approfondie dans ses détails, on perd très vite pied dès que le rythme s’emballe. Une violence latente menace à chaque instant de déchiqueter le fragile équilibre de ce monde, que ce soit par une inondation de Coca-cola, ou un cuisinier devenu fou qui casse tout sur son passage, pourchassé par un de ses collègues et némésis. Ces instants sont malheureusement trop confus et ne permettent pas au film de trouver son équilibre, à l’image de celui qui disparaît au sein même du groupe de travailleurs. Il y a également trop d’histoires et de sous-intrigues peu mises en avant, tournant court et lestant le film dans son écriture.

Il demeure difficile de ne pas avoir de l’affection pour La Cocina, tellement le couple central est déchirant, entre le désespoir d’une jeune homme à bout de nerfs et une femme qui dévoile ses responsabilités et sa véritable nature jusqu’ici dissimulée. Le film possède ce charme des fictions cabossées et malades qui transforment en vertus bien des défauts qu’on pourrait croire rédhibitoires.

D’Alonso Ruizpalacios, avec Rooney Mara, Oded Fehr et John Pyper-Ferguson.


Berlinale 2024




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