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LA BEAUTÉ DU GESTE

Keiko vit dans les faubourgs de Tokyo où elle s’entraîne avec acharnement à la boxe. Sourde, c’est avec son corps qu’elle s’exprime. Mais au moment où sa carrière prend son envol, elle décide de tout arrêter…

CRITIQUE DU FILM 

En une décennie, Sho Miyake a réalisé quatre films de fiction, un documentaire musical, ainsi qu’une série inspirée de l’univers horrifique de The Grudge. La beauté du geste est pourtant son premier travail à franchir nos frontières et à se faufiler jusqu’à nos salles françaises, après un passage dans la sélection Encounters à la Berlinale 2022. Le film est une adaptation de l’autobiographie de la boxeuse Keiko Ogasawara, ce qui a sans doute motivé une approche presque documentaire au réalisateur.

La surdité du personnage principal est accentuée par une ambiance taiseuse, peu de dialogues viennent agrémenter cette histoire qui semble sonner le glas de carrières, voire même de la vie de certains protagonistes. Peu d’éléments viennent perturber la procédure très réglée de l’entraînement quotidien, qui précède un combat, entre deux périodes de travail alimentaire dans un hôtel. Les informations sont comme des didascalies, des chuchotements qui se muent en bruits de couloir. On apprend que le gymnase du club de Keiko va devoir fermer, ainsi que l’importance prise par la boxeuse dans cette organisation malgré une défiance initiale liée à son handicap.

Cette économie de paroles et d’effets permet à l’histoire de ne jamais surligner son propos, préférant distiller avec parcimonie des bribes suffisantes pour comprendre la difficulté pour une femme souffrant de surdité profonde à vivre dans une société profondément « validiste ». En quelques phrases, on comprend pourquoi la boxe est plus un exutoire qu’une passion, un véhicule de vie et un espace de revendication pour Keiko. Cette douceur, mais aussi cette fragilité, confère à La beauté du geste une force douce et une pudeur qui l’enroule dans un cocon de bienveillance.

Tout le talent du metteur en scène est de saisir un moment particulier de l’histoire de Japon, la pandémie de COVID 19, et de le confronter à la défiance de cette société envers les personnes handicapées. Si Keiko est une femme mal-entendante, elle a réussi à se faire une place privilégiée au sein d’une institution qui lui consacre toutes ses forces vives, jusqu’à écoeurer de jeunes boxeurs qui n’obtiennent pas la même attention de la part des entraîneur. Cette entité familiale a choisi Keiko, allant jusqu’à la protéger contre l’hostilité d’un milieu qui ne veut pas d’elle.


La beauté du geste possède toutes les qualités que pouvaient détenir un film comme Rocky (1976), utilisant la métaphore sportive pour parler d’une population marginalisée en peine pour s’épanouir dans une société hostile. Sho Miyake utilise une image brute et presque crue qui renforce ce sentiment de vérité qui émane de chaque instant du film. Cela donne une patine presque documentaire au film, chaque plan épousant les contours d’une histoire très en phase avec le réel. Il est enfin beaucoup question de famille dans La beauté du geste, celle qu’on choisit, avec notamment la relation avec le vieil entraîneur, et la mère et le frère de Keiko qui la protège à distance, jamais bien loin du plan.

La beauté du geste est un document passionnant sur l’expression par le corps, ainsi que celle d’une volonté hors du commun qui utilise le sport comme un exutoire à la frustration de ne pouvoir exister comme elle l’entend. Sensible et profond, le film est un visage frais et bouleversant de ce Japon qui se cherche une voie entre conservatisme et modernité, louvoyant dans un fil de contradictions troublants et délétères.

Bande-annonce

30 août 2023De Sho Miyake, avec Yukino Kishii, Tomokazu Miura et Masaki Miura.




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