Perfect days

PERFECT DAYS

Hirayama travaille à l’entretien des toilettes publiques de Tokyo. Il s’épanouit dans une vie simple, et un quotidien très structuré. Il entretient une passion pour la musique, les livres, et les arbres qu’il aime photographier. Son passé va ressurgir au gré de rencontres inattendues. Une réflexion émouvante et poétique sur la recherche de la beauté dans le quotidien.

CRITIQUE DU FILM

Wim Wenders, tout comme Wang Bing, a eu deux fois les honneurs de la sélection officielle du festival de Cannes en 2023. Avec un nouveau film en compétition, il revient sur des terres où il fut couronné en 1984 pour Paris, Texas, un de ses plus beaux films. A 77 ans, il entre dans cette catégorie de grands réalisateurs multi-primés, qui présentent une nouvelle jeunesse avec un film particulièrement abouti, Perfect days. Cette nouvelle histoire témoigne de l’intérêt du cinéaste allemand pour le Japon, où il avait déjà tourné Tokyo-Ga, un documentaire sur la capitale nippone en 1985. Cette fois-ci, c’est vers un employé de la ville, responsable du nettoyage des toilettes publiques de Shibuya, quartier emblématique, que se porte son regard.

Koji Yakusho joue Hiriyama, un homme déjà vieillissant, vivant seul et cultivant avec bonheur ses routines quotidiennes qui le mènent de Shibuya à des bains publics, en passant par ses restaurants préférés, dans une ritualisation de chaque moment qui est ponctué par une joie de vivre affichée par des sourires d’une grande beauté. Chaque journée commence de la même façon, un regard vers le ciel, une boisson, un travail, et une musique écoutée sur des K7 qui encapsule le personnage dans une patine très années 1980. Ses déambulations sont capturées et enrobées de musique, comme des ponctuations d’un art de vivre qui, loin d’être usant, devient un programme enthousiasmant. Mais ces seules notes ne pourraient constituer une histoire et un film, c’est ainsi que Wenders s’amuse à distiller des embuches sur le chemin de son personnage.

Lui qui restait mutique et dans une économie de gestes toute réglée, va devoir composer avec une nièce perdue de vue, qui veut l’accompagner dans son quotidien. Ou bien est-ce ce collègue à la diction étrange, notant chaque moment de sa vie, et la présentation de sa fiancée potentielle qui s’éprend d’un morceau de Patti Smith qu’elle écoute pour la première fois grâce à Hiriyama. C’est encore la rencontre d’un homme qui se présente comme l’ex-mari de la patronne de son bar préféré, qui dans un moment difficile se confie et partage une boisson avec l’homme de ménage. Ces scories, qui entachent la partition jusque-là parfaite d’Hiriyama, dynamisent le film et lui donnent des couleurs inattendues. La parole se fait moins rare, on aperçoit des morceaux de l’histoire intime du personnage, son excentricité prenant un peu d’épaisseur. Il est important de souligner que jamais le film ne semble « exotisé » par son metteur en scène, qui réussit à plonger dans ce quotidien sans le regarder de haut ou donner l’impression de caricaturer cet univers qui n’est pourtant pas le sien.

Perfect days

Hiriyama est un magnifique personnage qui n’aime pas tant la surprise que d’avoir parfaitement organisé sa vie selon ses goûts, faisant de chaque journée une réussite selon ses propres termes, loin de toute injonction de la société. S’il y a routine, c’est dans une grande variété de tâches, ici un travail de jardinerie, là de la photographie en pellicule, ou encore une passion pour la littérature qui s’amoncèle dans le petit espace où il vit. Pas de grande morale dans Perfect days, juste une joie de vivre qui se conjugue au présent, avec simplicité et passion, que ce soit pour de la musique pop ou pour le nettoyage parfait de latrines qui ne semblent jamais souillées, dans un souci psycho-rigide qui fait de lui un simple gardien du temple d’une institution nécessaire du Tokyo urbain.

Wim Wenders se ressource avec ce très beau portrait de « working man » japonais, une histoire épurée mais profondément sensible et humaine qui touche au cœur avec une mise en scène qui ne souffre d’aucune faiblesse, juste dans chacun de ses moments, avec un lien profond avec ses personnages qui bouleverse toujours autant après plus de cinquante ans de cinéma.

Bande-annonce

29 novembre 2023 – De Wim Wenders, avec Koji Yakusho, Min Tanaka et Arisa Nakano.


Cannes 2023 – Compétition officielle




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