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JE VERRAI TOUJOURS VOS VISAGES

Depuis 2014, en France, la Justice Restaurative propose à des personnes victimes et auteurs d’infraction de dialoguer dans des dispositifs sécurisés, encadrés par des professionnels et des bénévoles comme Judith, Fanny ou Michel. Nassim, Issa, et Thomas, condamnés pour vols avec violence, Grégoire, Nawelle et Sabine, victimes de homejacking, de braquages et de vol à l’arraché, mais aussi Chloé, victime de viols incestueux, s’engagent tous dans des mesures de Justice Restaurative. Sur leur parcours, il y a de la colère et de l’espoir, des silences et des mots, des alliances et des déchirements, des prises de conscience et de la confiance retrouvée… Et au bout du chemin, parfois, la réparation…

Critique du film

Après l’adoption dans Pupille en 2018, avec Je verrai toujours vos visages, Jeanne Herry éclaire de nouveau l’existence d’un système dont le fonctionnement est méconnu en France : la justice restaurative. S’il révèle une passion pour le milieu judiciaire et pour les relations humaines, le cinéma de Jeanne Herry n’est pourtant pas documentaire. Pour ce nouveau long-métrage, la réalisatrice s’appuie autant sur le réel que sur le talent de ses comédiens pour écrire une fiction lumineuse et bouleversante. 

Le lien humain, porteur d’espoir 

Comme Pupille, Je verrai toujours vos visages met en images des personnages profondément humains et la conviction du pouvoir du groupe. La justice restaurative est un dispositif de réparation collective, puisqu’il offre aux victimes et aux auteurs de crimes l’occasion de se rencontrer, d’échanger et de partager pour se comprendre et se réparer mutuellement. Le film place presque tous les personnages sur un pied d’égalité, si bien que l’on distingue parfaitement la dynamique de groupe qui s’opère. Victimes, détenus, bénévoles et professionnels de la justice restaurative : chacun est représenté dans toute son humanité. Des collègues qui vont boire un verre après des entretiens intenses, une bénévole qui propose à un détenu de recoudre le bouton de sa chemise, un condamné pour vol avec violence qui dit à une victime de braquage qu’elle lui fait penser à sa sœur… Jeanne Herry apporte avec subtilité et justesse des éléments, à première vue légers, qui donnent toute leur profondeur aux protagonistes. 

Je verrai toujours vos visages

À travers la fiction, Je verrai toujours vos visages aborde la lutte sourde que connaissent les victimes de drames effroyables, et tristement communs. La peur constante, la colère, le sentiment d’être incompris, la douleur sont recueillis et entendus par les acteurs de la justice restaurative avec une écoute inconditionnelle. Si le groupe qui réunit des auteurs de vols avec violences et des victimes témoigne parfaitement de la dimension collective du processus. L’histoire de Chloé (l’extraordinaire Adèle Exarchopoulos), victime de viols incestueux, racontée en parallèle, met l’accent sur la réparation intime qu’il peut accompagner. 

Une écriture minutieuse et documentée 

Pour donner à voir l’humanité bouleversante de ses personnages, Jeanne Herry a d’abord choisi de l’écrire, avec une grande précision. Passionnée par le domaine de la justice, c’est au cours de recherches personnelles qu’elle a découvert la justice restaurative. S’en est alors suivi un long travail de documentation, pour comprendre non seulement tout le processus de suivi et d’encadrement, mais aussi les mécanismes psychologiques qui opèrent lors des rencontres entre victimes et criminels. La réalisatrice a d’ailleurs assisté à plusieurs formations d’animateurs, semblables à celle que suivent Fanny (Suliane Brahim) et Michel (Jean-Pierre Darroussin) au début du film. 

On peut aisément deviner l’immense travail d’écriture qu’a nécessité ce long-métrage, à travers la pluralité et l’importance quasiment équivalente des personnages. Jeanne Herry offre à ses comédiens une partition textuelle parfaitement ciselée, comme un écrin pour mettre en lumière leur talent d’interprétation. 

Je verrai toujours vos visages

« Faire confiance aux mots et au jeu »

Je verrai toujours vos visages est aussi et surtout un film d’une immense délicatesse. Poignant et bouleversant sans démesure, le long-métrage se compose en grande partie de scènes d’action psychologique et à huis clos. En ne montrant pas les crimes, en les racontant à travers les mots et les silences, le film nous captive et appelle notre empathie. En tant que spectateurs, nous recevons les dialogues et les monologues des personnages comme des confessions précieuses, les étapes d’un long travail jusqu’à la rédemption. 

Les comédiens Birane Ba, Leïla Bekhti, Dali Benssalah, Suliane Brahim, Jean-Pierre Darroussin, Denis Podalydès, Fred Testot ou encore Élodie Bouchez, Gilles Lellouche et Miou Miou illuminent le film de leur générosité. Quant à Adèle Exarchopoulos, elle porte son rôle à des sommets d’émotion tant son jeu est extraordinaire de justesse. Avec Je verrai toujours vos visages, Jeanne Herry nous offre un très beau film, dont le travail d’équipe remarquable appuie le propos : le lien humain est véritablement porteur d’espoir. 

Bande-annonce

29 mars 2023De Jeanne Herry, avec Adèle ExarchopoulosDali BenssalahLeïla Bekhti




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