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AMSTERDAM

L’histoire de trois amis proches qui se retrouvent au centre de l’une des intrigues parmi les plus secrètes et choquantes de l’histoire américaine.

Critique du film

« What is going on here ? » Tels sont les mots prononcés par un Christian Bale, mis à terre par un quidam dans Amsterdam de David O.Russell. Cette question, au demeurant basique et convenue, devient malgré elle la synecdoque esthétique et éditoriale de ce projet XXL étonnant de pauvreté et de désuétude.

Situé dans les années 1930, le long-métrage narre l’aventure de trois lurons ayant déserté le front de la Première Guerre Mondiale. Tous blessés physiquement ou psychologiquement à des degrés plus ou moins élevés, ils vont se retrouver au cœur d’une conspiration sans précédent annonçant les pires heures de la nouvelle décennie désenchantée qui se profile en Europe. En tendant son postulat vers une veine absurde, Russell tente de se fondre dans le moule aujourd’hui conventionnel de la comédie dramatique tendrement acerbe, avec un casting monstrueux qui servirait de chair à canon dans une situation qui les dépasse tous – difficile, par exemple, de ne pas penser à un film tel Inherent Vice de Paul Thomas Anderson, qui racontait la difficulté californienne des années 1970 de se renouveler après les troubles causés par la Manson Family.

Amsterdam

ILLUSIONS PERDUES

Pourtant, point de tout cela, ou presque : volontairement nébuleux, le film noie toutes ses pistes narratives, tonales et esthétiques durant 2h15, enchaînant les ruptures au sein même des séquences et dénaturant le peu de fil conducteur identifiable pour le spectateur. Amsterdam digresse, revient sur ses pas, tourne en rond, déforme les considérations spatiales, s’essaie à des performances comiques anecdotiques (pauvres Mike Myers et Michael Shannon), en réussissant à rater sa cible à chaque fois tant la vacuité du cœur reste visible. Velléités politiques, comédie humaine infusée par des références au médium théâtral, Oulipo cinématographique du point de vue d’un vétéran traumatisé par la guerre ? Le long-métrage se veut être un peu tout en même temps, et à la longue ne devient jamais ne serait-ce qu’une petite chose de tout cela.

Jamais un trouble ne semble se disséminer, jamais une idée ne vient en dépasser une autre pour parasiter en intégralité le sujet initial. Au fil des minutes, Amsterdam s’avère de plus en plus être un agrégat stylistique qu’une somme de paradoxes et de contradictions jubilatoires : Russell semble empiler et attendre de voir quel effet cela pourrait produire au rendu final. Il est difficile par exemple de comprendre les différences d’acting majeures entre un Christian Bale borgne, qui cabotine encore plus que d’habitude, un John David Washington tout à fait transparent et une Margot Robbie dont les atermoiements de sa caractérisation rendent sa performance hasardeuse.

La teneur narrative joue elle aussi sur le registre de la somme au détriment de la complémentarité. Chaque séquence raconte une histoire dans des angles qui s’opposent sans trouver de sens commun. Répétitions extrêmes, métaphores, ellipses, tout y passe sans exception. Le récit linéaire se métamorphose en un flash-back explicatif de vingt minutes, un montage-clip épuisant et pour finir traduit sa morale (sciemment ?) consternante par un montage vertical à l’image des travaux de Hank Corwin pour les propos politiques de Adam McKay. Le seul petit liant qui tente de raccrocher tous ses wagons est la palette directrice de Russell, qui surcharge son long-métrage de faux raccords béants pour sursignifier une vague idée de labyrinthe esthétique. Ces faux raccords s’additionnent à l’apparition saugrenue d’acteurs dans le cadre, pouvant surgir d’une porte, à la dérobée, sans crier gare ni qu’ils aient une raison quelconque d’être présent à ce moment-là du récit.

Amsterdam

Le souci est que cette idée, au demeurant pas dénuée d’intérêt, ne trouve aucune raison d’être dans le projet, étant donné qu’il n’est jamais possible de savoir sur quel pied souhaite danser le film. Certains effets de montage en deviennent même passablement ringards tant ils semblent émaner d’ordres narratifs d’un autre temps (arrêts sur image intempestifs, voix off cyniques, gros plans en courte focale en contre-plongée…).

Ni amusant, ni touchant, ni curieux passées les premières secondes, l’hétérogénéité d’Amsterdam devient une épée de Damoclès à force de ne jamais parvenir à dépasser l’étape du concept. Un ronronnement pesant et auto-satisfait qui ressemble comme deux gouttes d’eau à un accident industriel majeur.

Bande-annonce

1er novembre 2022 – De David O.Russell
avec Christian Bale, Margot Robbie et John David Washington




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