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DUAL

Sarah, en phase ter­mi­nale d’une mala­die grave, décide de lan­cer une pro­cé­dure de clo­nage révo­lu­tion­naire pour atté­nuer la souf­france de ses amis et de sa famille. Mira­cu­leu­se­ment réta­blie, elle tente de se défaire de son clone…

Critique du film

Présenté au début de l’année au festival de Sundance, Dual de Ryan Sterns figure en compétition au festival de Deauville. Tourné en Finlande, pour des raisons de facilités économiques, le 3e long-métrage de l’Américain lorgne ostensiblement sur Black Mirror dont il pourrait presque représenter l’un des épisodes de la série d’anthologie récupérée par Netflix – même si la fiction s’était déjà offert l’un de ses plus beaux chapitres avec le poignant et délicat Be Right Back.

Dual entre immédiatement dans le vif du sujet. Extérieur nuit. Terrain de foot US. La foule garnit les tribunes. La tension est palpable. Un homme, prénommé Michael, fait face à un large drap blanc étendu devant lui, dissimulant son adversaire de l’autre côté du terrain. La caméra de télévision tourne, les spots illuminent le terrain. Le duel peut commencer. Au loin, son rival effectue ses premiers tirs à l’arbalète, touchant même Michael à l’épaule. Tout se joue en quelques secondes. À l’issue d’un sprint audacieux, il élimine son opposant. Un homme qui lui ressemble parfaitement. Son « original » vient d’être éliminé, Michael « le double » devient le seul et unique.

Après ce prologue accrocheur – et violent -, on découvre une jeune femme trentaine, Sarah, dans une vie un brin monotone. Tandis que son couple bat de l’aile, sa santé inquiète les médecins qui lui diagnostiquent rapidement une maladie très rare et incurable. La docteure est formelle : Sarah ne survivra pas à cette maladie et doit anticiper la suite. Spontanément, et sans ménagement, elle lui propose de participer au programme Replacement, qui permet grâce à une nouvelle technologie très avancée de créer un double identique amené à prendre le relais après son décès – afin de soulager le chagrin de ses proches. Proposition qu’elle finit par accepter, ne voulant imposer la moindre douleur et inquiétude à sa mère.

Dual film

Mais, très vite, son clone se montre entreprenante et impose une personnalité bien plus affirmée, usurpant rapidement l’existence qu’elle n’était pas censée intégrer dans l’immédiat. Petit-ami, affection maternelle, possessions matérielles, sa remplaçante tisse sa toile et l’éjecte progressivement. Problème : contre toute attente, Sarah est finalement en rémission. Impossible pour les deux femmes de co-exister sous la même identité. Son clone intente donc une action en justice et obtient l’organisation d’un duel mortel qui visera à décider laquelle des deux pourra vivre sous l’identité de Sarah.

La thématique du clonage et de l’unicité des individus a déjà été l’objet de nombreuses explorations cinématographiques, souvent passionnantes. Dans Gattaca et The Double (vaguement inspiré de Dostoïevski), la question de l’identité individuelle se révèlait déjà cruciale, alimentant des récits fictionnels riches et complexes où les personnages d’Ethan Hawke et Jesse Eisenberg nous faisaient ressentir à quel point il peut être écrasant d’être remplacé par une meilleure version de soi-même. Il n’en est rien ici. Sterns choisit de ne pas approfondir les réflexions relatives à l’identité et à l’anxiété, et paraît bien davantage intéressé par ses saillies absurdes que par le cheminement existentiel de ses personnages. Si sa proposition fait parfois mouche sur le versant comique, ce choix apparaît bien dommageable tant la caractérisation de ses deux Sarah (et des autres protagonistes) semble légère.

Pourtant, Dual avait un boulevard pour explorer son sujet grâce à son concept malin mais le long-métrage manque autant de chair que de punch pour véritablement convaincre. Au lieu de ça, le film reste en surface, trop superficiel pour laisser apparaître la noirceur nécessaire à sa dramaturgie. Privilégiant les sessions d’entraînement de Sarah (qui a un an pour se préparer à l’affrontement avec son double), le scénario snobe complètement la dimension émotionnelle, laissant au spectateur la mission de remplir les trous. En fin de compte, il ne se passe pas grand chose à l’écran et le récit évacue la tension pour ne rester qu’en surface autour de l’interrogation : qui remportera le duel ? Difficile de se sentir concerné par le sort d’une Sarah plutôt terne, subissant le rejet rapide de son entourage, lui préférant son clone, jusqu’à un épilogue abrupt dénué du moindre climax. Plus cocasse que subversive, cette proposition singulière gâche son potentiel philosophique. Un coup d’épée dans l’eau.

Bande-annonce

2022 (Canal+) – De Riley Stearns, avec Karen GillanAaron Paul


Festival de Deauville 2022




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