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ETHAN HAWKE | Interview

À l’occasion de l’ouverture de la rétrospective « Le cinéma, matière-temps » consacrée à son ami le réalisateur Richard Linklater (qui l’a dirigé dans de nombreux films dont Boyhood et la trilogie Before) au Centre Pompidou à Paris, nous avons rencontré le comédien Ethan Hawke. Ces quelques minutes ont été l’occasion d’évoquer leur collaboration, de parler du temps qui passe et de celui qui se fige à l’écran, de la possibilité de faire du cinéma indépendant et ambitieux, et forcément, de la célèbre trilogie Before Sunrise / Before Sunset / Before Midnight… 

Après Before Sunset, vous avez dit qu’il vous avait fallu cinq ou six ans avant qu’une idée de suite ne commence à germer. On suppose que cette question vous a été régulièrement posé et qu’elle le sera encore fréquemment… Mais on ne peut faire l’impasse sur cette question : retrouvera-t-on Céline et Jesse dans un quatrième volet ?

Ethan Hawke : Oui, si on fait le compte, cela fait désormais six ans… Tous les trois, nous y songeons régulièrement. Dans mon esprit, je nous imagine écrire quelque chose et, d’un autre côté, je me dis que l’histoire parait complète, ainsi, en tant que trilogie. Mais j’aime tellement écrire avec Richard (Linklater) et Julie (Delpy) que si j’avais la chance de pouvoir le faire à nouveau et que l’on s’accordait, ce serait une expérience exceptionnelle de retrouver Céline et Jesse.

Dans l’histoire du Cinéma, ces récits étalés sur les années et sur plusieurs films demeurent assez rares… Durant votre découverte de l’exposition, on vous a vu écouter attentivement et avec un brin d’amusement, de tendresse (ou de nostalgie) un extrait de la conférence de presse du festival de Sundance où vous présentiez Before Sunrise avec Julie Delpy et Richard Linklater…

Oui, c’est incroyable de revoir tout ça et de nous revoir aussi jeunes ! (Il marque une pause, semblant plonger dans ses souvenirs…) Je tenais à être présent dès ce soir, pour Richard. Et, en effet, je n’avais jamais vu ce reportage, ainsi que d’autres répétitions avant que l’on tourne Sunrise. C’est très émouvant de revenir ainsi dans le passé…

Ethan Hawke à l'exposition Richard Linklater

Ethan Hawke visionne une conférence de presse au festival de Sundance, où il présentait Before Sunrise avec Richard Linklater et Julie Delpy. // © photo Le Bleu du Miroir

Le passé, le temps qui file, cette impossibilité à le suspendre… Une thématique phare que met à l’honneur cette exposition. 

On espère tous arrêter le temps. C’est la beauté du Cinéma, il gèle sur pellicule des époques et capture des instants. Richard Linklater parvient à s’en emparer comme on modèlerait l’argile pour faire une sculpture. Il a un talent incroyable pour cela, un esprit hors du commun. C’est très touchant et c’est pour ça que j’aime travailler avec lui.

Cette exposition suscite de vraies impressions pour ceux qui estiment et ont été touchés par sa filmographie…

C’est vrai. Parfois même, juste en regardant les affiches des films, cela m’émeut. Tant de souvenirs qui reviennent, de réminiscences. Et il est rare dans la vie d’être véritablement fier de quelque chose que l’on a crée. Nous étions très anxieux avant d’écrire Midnight qu’on ne savait pas s’il fallait écrire un troisième film. Mais nous étions attirés à l’idée de poursuivre cette histoire car Sunrise et Sunset reflètent tant de projections romantiques qu’il nous paraissait presque irresponsable de ne pas parler de l’après. Les premiers volets forment un ensemble, une évocation de l’amour, tandis que le troisième explore davantage ce qu’est un couple, une relation amoureuse sur le long terme. Il nous paraissait juste de faire ce troisième film pour ces raisons.

S’il fallait en écrire un quatrième, avec des choses à raconter sur les sentiments, l’amour, ce ne serait probablement pas avec cette intervalle des neuf ans, comme les trois premiers, mais plutôt avec un saut temporel plus important. C’est ainsi que l’on commence à voir les choses. Peut-être même comme Claude Lelouch l’a fait avec Un homme et une femme

Sur le tournage de Before Sunset

Sur le tournage de Before Sunset, à Paris

Quelque chose d’autre de fort, d’unique, à propos de cette trilogie est que celle-ci peut-être perçue et ressentie différemment selon l’âge auquel on découvre les films, à quel moment charnière de l’existence on est confrontés à ces questionnements existentiels et sentimentaux. En ce sens, Before Midnight pouvait paraître désenchanté, assez pessimiste pour un spectateur de 25 ans… 

Attendez de franchir la quarantaine, le film résonnera peut-être différemment pour vous. Vous n’êtes pas le premier qui me parle de ce « pessimisme » mais aussi ce « moment de votre vie dans lequel on est » quand on voit le film. Je vois pourtant beaucoup d’espoir dans Before Midnight. Ils s’aiment, ils s’efforcent de ne pas tout gâcher, de sauver leur relation. C’est justement pour cette raison que je voulais qu’on le fasse. Les deux premiers créent des attentes irréalistes autour du couple. Je serais curieux d’avoir votre ressenti si vous le revoyez prochainement, après plusieurs années.

Votre très beau The hottest state n’est finalement jamais sorti en France. Qu’en sera-t-il de Blaze, votre dernière réalisation en date ? 

Celui-ci devait sortir, nous avions un distributeur intéressé à l’époque de sa présentation au festival de La Roche-sur-Yon. J’aimerais énormément que les cinéphiles français le découvrent. Il faudrait que je relance les ayant-droits pour faire avancer la chose et le rendre disponible.

Est-il devenu difficile de faire du cinéma indépendant, personnel et/ou ambitieux et de lui permettre de trouver le chemin des salles désormais, face à la concurrence des blockbusters, des films de super-héros ?

C’est dur mais ça l’a toujours été. Faire du cinéma est rude quand on s’accroche à ses idéaux mais avec Richard on a la chance d’y parvenir. Et, de nos jours, il y a beaucoup d’attention et d’argent investis dans les fictions télévisuelles. C’est stimulant toute cette énergie. Le storytelling reste du storytelling. On raconte une histoire, c’est le plus important.

Après avoir joué à ses côtés dans La vérité de Kore-eda, il se dit que vous pourriez diriger Juliette Binoche dans votre prochain film en tant que réalisateur, Camino real… 

Oui, ce serait fantastique. J’espère que ça se fera. C’est effectivement assez ambitieux, un peu dingue. Il y a quelque chose de Fellini dans ce projet. C’est tiré d’une pièce de Tennessee Williams que j’admire. C’est l’histoire d’un ancien champion de boxe dans la ville isolée. Et j’espère que Juliette pourra le faire, oui. C’est une actrice remarquable.

Propos recueillis et traduits par Thomas Périllon pour Le Bleu du Miroir



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