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POESIA SIN FIN

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Poésie du coeur

Dans l’effervescence de la capitale chilienne Santiago, pendant les années 1940 et 50, « Alejandrito » Jodorowsky, âgé d’une vingtaine d’années, décide de devenir poète contre la volonté de sa famille. Il est introduit dans le cœur de la bohème artistique et intellectuelle de l’époque et y rencontre Enrique Lihn, Stella Diaz, Nicanor Parra et tant d’autres jeunes poètes prometteurs et anonymes qui deviendront les maîtres de la littérature moderne de l’Amérique Latine. Immergé dans cet univers d’expérimentation poétique, il vit à leurs côtés comme peu avant eux avaient osé le faire : sensuellement, authentiquement, follement.

Affirmation poétique.

Alejandro Jodorowsky est un sacré personnage. Certains le connaissent grâce à El Topo, d’autres avec cette folie qu’est La Montagne Sacrée et les bédéphiles ont pu le lire dans l’Incal mis en dessin par Moebius. Le récent documentaire sur son projet avorté d’adaptation de Dune de Frank Herbert qui est sorti cette année en France – Jodorowsky’s Dune – a aussi permis à beaucoup de mettre un visage et un propos sur ce nom. Et de se rendre compte à quel point l’homme respire la passion pour l’art dans toutes ses formes envers et contre tous. C’est cette vision de l’art qui est mise à l’honneur dans son projet de saga autobiographique mise en place avec l’aide de son fils Brontis et le crowdfunding et débutée avec La Danza de la Realidad (2013). Poesia sin fin est donc le deuxième chapitre de cette histoire (financé en parti via Kickstarter et Indiegogo) et met en scène le petit Alejandro qui devient adolescent et se met à rêver de devenir un poète contre l’avis de son père qui déteste les artistes et veut en faire un médecin.

Poesia sin fin est à la fois une autobiographie d’Alejandro Jodorowsky mais aussi une anthologie de son cinéma et de sa pensée artistique. Dès les premières secondes, on sait que le Chilien nous embarque pour un voyage halluciné dans son passé : des hommes en noir portent des panneaux en bois représentant des personnes et attendant que le bateau amenant le jeune Alejandro (joué par Jeremias Herskovits puis par Adan Jodorowsky une fois jeune adulte) et ses parents (le père joué par Brontis Jodorowsky et la mère Sara par Pamela Flores) arrivent à quai. Puis le vrai Alejandro nous parle face caméra de sa rue, morte maintenant mais qui grouillait de vie à l’époque. Et là, le décor prend vie, toujours grâce à ces hommes en noir qui hissent le décor sur les façades. Poesia sin fin est un théâtre géant très coloré qui a des allures très enfantines avec ses ficelles visibles, ses dialogues qui présentent toujours (parfois un peu trop) l’état d’esprit d’Alejandro et qui causent toujours de poésie ou encore ses différentes situations qui ressemblent aux péripéties d’un récit d’aventure pour enfant ou adolescent, avec ses rencontres incroyables avec des artistes qui vont marquer sa vie.

Forcément certains resteront sur le bord du chemin dès les premières minutes du métrage quand d’autres satureront au bout d’une heure devant l’abondance d’informations visuelles et textuelles de Poesia sin fin. Il est vrai que les 2h10 du film se font parfois un peu longues, mais si l’on est pris dans cette avalanche folle et insouciante d’apparence, il n’y aucune raison de décrocher. Car en plus de ces éléments, Jodorowsky confirme qu’il sait toujours aussi bien mettre en scène une histoire, avec ces cadres léchés et ces effets bien placés – comme ce travelling compensé lorsqu’Alejandro adulte pleure devant la maison de ses parents. Et ses interventions face caméra, peu nombreuses, ont le mérite d’être marquante ; le bonhomme dégage un charisme monstrueux et loin de casser la cohérence du récit, il la renforce et lui donne de la force.

Plus qu’une partie de sa vie, c’est surtout de sa passion pour l’art dont il est question ici. Un art poétique qui se revendique anti-fasciste et anti-système. Mais le jeune Alejandro se cherche encore et son pays sombre dans la dictature sans qu’il ne puisse changer les cours des choses. Loin d’être simpliste, Poesia sin fin est aussi un film sur les rêves adolescents et la réalité adulte sombre qui pousse à chercher des voies plus solides. Il est aussi un beau drame familial, avec cette lutte contre son père Jaime qui voyait en lui un médecin – et donc l’ascenseur social de la famille – et sa relation trop effacée avec sa mère Sara qui n’avait pas voix au chapitre à la maison. Poesia sin fin respire la sincérité et l’amour de la vie, et même si l’on n’aime pas son cinéma ou ce film, on ne peut pas lui retirer cela. Alejandro Jodorowsky aurait pu mener une paisible retraite, il a choisi de partager sa vie et sa vision d’artiste avec le public dans un projet fleuve et pour le moment réussi. Chapeau bas monsieur.

La fiche

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POESIA SIN FIN
Réalisé par Alejandro Jodorowsky
Avec Adan Jodorowsky, Pamela Flores, Brontis Jodorowsky…
Chili, France – Fantastique, Biopic, Drame
Sortie : 5 Octobre 2016
Durée : 128 min




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