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UNIVERSAL THEORY

1962 : lors d’un congrès de physique dans les Alpes suisses, le jeune Johannes défend une théorie sur l’existence de mondes parallèles. Mais personne n’y croit, pas même son tuteur. Les mystères s’accumulent pourtant : une curieuse formation nuageuse dans le ciel ; la présence fantomatique de Karin, cette jeune pianiste qui l’obsède et semble tout savoir de lui… Et ces personnes victimes d’accidents étranges dans la montagne ? Le réel semble bien fragile en ce lieu. 

CRITIQUE DU FILM

Récompensé du Prix du Public ainsi que du Grand Prix Nouveau Genre du meilleur film lors de la dernière édition de l’Étrange Festival, Universal Theory a également été primé à la Mostra de Venise où il a obtenu le Bisato d’Or décerné par la critique indépendante. C’est grâce à ce parcours jalonné de succès et de prix en festival, que le deuxième film du réalisateur allemand Timm Kröger s’est construit une jolie réputation gonflant les attentes des amateurs de science-fiction cérébrale.

À cette époque, le film se nommait encore The Theory of Everything, du nom du livre et de la théorie au cœur-même du récit. Cette théorie s’inspire directement de celle élaborée par le physicien américain Hugh Everett en 1956, qui est en réalité une interprétation de la mécanique quantique à l’origine du concept des mondes multiples. Cette idée a posé une réflexion tant scientifique que philosophique à l’existence de mondes parallèles où pourraient exister des réalités alternatives, d’une manière similaire à l’expérience de pensée du Chat de Schrödinger, où le chat est à la fois vivant et mort. Ce paradoxe a nourri bon nombre de fictions littéraires comme cinématographiques, en particulier ces dernières années où les concepts de multivers se sont multipliés sur les écrans.

On imagine dès lors aisément ce qui a pu pousser les distributeurs et producteurs à rebaptiser le film Universal Theory avant sa sortie, afin d’éviter tout amalgame avec certains de ces prédécesseurs qui ont surfé sur ce thème, à commencer bien évidemment par Everything Everywhere All at Once qui traitait déjà d’univers parallèles. Et peu importe que le film de Kröger était en production avant même la sortie du film des Daniels, le succès considérable rencontré par celui-ci et qui l’a mené jusqu’à l’Oscar du Meilleur film en 2023 aurait laissé penser que le réalisateur allemand surfait sur la vague, alors que les deux films n’ont vraiment rien en commun, hormis le concept original.

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Loin du délire visuel pop du film avec Michelle Yeoh, Universal Theory se veut plus obscur et radical, ce qui ne veut pas dire austère, et certainement pas moins beau. Le film se pare d’un sublime noir et blanc que le chef opérateur Roland Stuprich exploite brillamment pour magnifier les paysages enneigés des Alpes suisses. Cette image et son grain situent d’emblé le film dans l’époque de son récit et nous renvoie aux films de genre des années 60, ainsi qu’aux séries télévisuelles phares de l’époque, telles que la série de Rod Serling, la Quatrième Dimension.

Le film de Timm Kröger prend le temps d’installer son atmosphère et laisse le mystère comme l’étrange grandir progressivement. Entre rêve et cauchemar, on avance aux côtés de Johannes, interprété par Jan Bülow, sans trop savoir où l’on va, ni ce que l’on cherche. C’est d’ailleurs un des écueils du film qui, malgré ses qualités esthétiques et stylistiques évidentes, se révèle un peu trop long pour son bien. Ce mystère que l’on attend pendant plus d’une heure trente tarde à arriver, et lorsque vient enfin le temps du climax final, certaines questions demeurent sans réponses, faisant pointer une légère frustration.

Avec sa poésie et sa narration parfois cryptique, son look de film noir, son mystère et sa femme fatal qui fait tourner la tête du protagoniste, Universal Theory est plus proche du cinéma de Tarkovski ou de Hitchcock que de Marvel et son Multivers. Si le film aurait gagné à être un peu resserré, il n’en reste pas moins une proposition tout à fait singulière dans le paysage actuel et les différentes propositions reprenant la théorie des mondes parallèles.

BANDE-ANNONCE

21 février 2024 – De Timm Kröger, avec Jan Bülow, Olivia Ross et Hanns Zischler