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THE CLOUD IN HER ROOM

C’est un hiver humide à Hangzhou, Muzi rentre pour le nouvel an lunaire. L’ancien appartement de ses parents est toujours là. Un lit, une chaise abandonnée, une fenêtre abimée – les restes d’une relation qui a évolué. Son père a fondé une nouvelle famille, sa mère est en couple avec un étranger ; Muzi replonge dans ses souvenirs et tente de trouver des repères dans cette ville si familière et pourtant si changée. La jeune femme est tiraillée entre passé et présent, entre la fuite et l’éternel retour.

Critique du film

Pour son premier long métrage, Xinyuan Zheng Lu explore les notions d’intimité et d’harmonie familiale, sublimées par un noir et blanc poétique.

Mizu, vingt-deux ans, vient de finir ses études et vit entre chez son père et sa mère, dont le divorce la perturbe. Elle peine à trouver son équilibre et à dire au revoir à son ancienne vie. L’intrigue, qui se dévoile petit à petit au cours du film, est minimaliste. L’héroïne attachante, nous reste imperméable : elle reçoit les confidences de ses proches et leurs questionnements (“je ne peux plus tomber amoureux”, “comment as-tu vécu le divorce ?”) mais s’exprime peu sur ce qu’elle désire réellement et semble tout encaisser sans broncher. On devine que, derrière ce masque impassible -qui ne vacille qu’une fois, lorsqu’elle demande à Yufei, son petit ami, s’il l’aime, une tempête gronde et menace, comme le laisse présager le titre mélancolique.

En reprenant les thèmes universels de l’errance, de l’amour et de la quête de soi de la jeunesse, Xinyuan Zheng Lu livre un film qui n’est pas totalement étranger au genre du coming-of-age, le spleen taiseux en plus. Difficile de dégager un fil conducteur de cet enchevêtrement d’images poétiques, qui semblent parfois relever du rêve ou du fantasme, mais le coeur géographique du film -l’ancien appartement de Mizu et ses parents, présent au début du film et démoli à la toute dernière minute, nous renseigne sur la trajectoire mentale de l’héroïne, qui s’entraîne surtout à dire au revoir à la vie telle qu’elle l’avait connue jusque là.

Ballotté.e au gré des images tantôt vacillantes, tantôt nettes, parfois en négatif, le spectateur.trice met du temps à s’y retrouver et à identifier les fonctions des personnages ainsi que les liens qui les unissent. Ce flou narratif traduit la confusion de l’héroïne mais aussi ses relations troubles avec son entourage -une mère copine presque trop fusionnelle, un père désabusé, une belle-mère qui se fait passer pour sa mère, un petit ami réticent à s’engager. Le véritable intérêt du film ne réside pas là, mais plutôt dans son rythme très lent, fluide et fuyant à la fois, un peu à l’image de l’eau qui coule à travers toute l’oeuvre et se retrouve dans la pluie, la rivière, les lacs et même la piscine qui entourent les personnages, à l’image d’un liquide amniotique dans lesquels ils baignent tous, à la recherche d’eux-mêmes. Cette temporalité fragmentée et alanguie enveloppe le film d’une torpeur poétique et onirique et l’on ne peut que se laisser porter, bienheureux, par sa douceur apaisante.

The cloud in her room
Dans The Cloud In Her Room, les lieux sont les véritables protagonistes de l’histoire et ils semblent habiter les personnages plutôt que l’inverse : grandes rues désertes la nuit, toits d’immeubles, chambres d’hôtel, mais surtout une myriade d’appartements plus ou moins vides, régulièrement mis en valeur par des plans larges, que les héros de cette étrange aventure traversent comme des décors de théâtre, sans vraiment réussir à y prendre racine, le tout sur fond d’un hiver qui semble ne jamais finir.

L’appartement où Mizu a vécu avec ses parents et qu’elle revient régulièrement hanter, est intact, encore meublé. Tandis que ses parents rebâtissent leurs vie chacun dans un nouvel endroit -appartement luxueux pour son père musicien et sa nouvelle famille, petit cocon avec terrasse fleurie pour sa mère et ses amants – Mizu ne semble vraiment chez elle que dans son ancienne maison, lieu secret de son intimité et qu’elle choisit pour sa première nuit avec son petit ami. C’est peut être parce que ses parents eux-mêmes ne sont pas très sûrs de leurs sentiments vis à vis l’un de l’autre ou vis à vis de leurs nouveaux partenaires que la jeune fille a elle-même du mal à s’ouvrir à son propre amoureux, ou qu’elle se cherche dans une relation avec un homme de l’âge de son père ; mais la beauté du film suffit, et on préfère renoncer à toute analyse psychologique pour simplement errer aux côtés de Mizu, dans le brouillard.

Bande-annonce

22 décembre 2021 – De Xinyuan Zheng Lu, avec Zhou Chen, Ye Hongming et Jin Jing.




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