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NAUSICAÄ DE LA VALLÉE DU VENT

Sur une Terre ravagée par la folie des hommes durant les sept jours de feu, une poignée d’humains a survécu. Menacée par une forêt toxique qui ne cesse de prendre de l’ampleur, cette poignée de survivants attend le salut de la princesse Nausicaä, capable de communiquer avec tous les êtres vivants.

Critique du film

Nausicaä… Ce doux nom aux voyelles sonores ravive un parfum d’Odyssée. Pour un certain nombre de miyazakiens purs et durs, il évoque toutefois une des pièces maîtresses du Maître nippon : Nausicaä de la vallée du vent.

Comme Princesse Mononoké et Le Château ambulant, Nausicaä de la vallée du vent appartient à la veine épique de Hayao Miyazaki. Épique, par son cadre géopolitique : Nausicaä met en scène l’affrontement militaire des empires humains survivants (les brutaux Toltèques, les fiers Pejite et les pacifiques habitants de la Vallée du vent), sur une Terre ravagée par la grande guerre entre les civilisations humaines et depuis lors envahie par une forêt toxique (la fukai) qu’habitent de paisibles insectes géants. Épique, par ses ambitions : le film confronte deux mondes diamétralement opposés – qui, littéralement, ne respirent pas le même air : les hommes et les insectes.

Classique distinction entre culture et nature ? Cet antagonisme primaire n’existe pas chez Miyazaki. D’une part, car ici, c’est la culture qui recule face à la nature. La séquence d’ouverture montre ainsi Yupa le guerrier traverser un village humain en ruines, au milieu desquelles la végétation pousse à nouveau drue. Serein, le lieu acquiert une autre existence, désormais affranchie de la présence humaine. D’autre part, la morale de la fable promeut l’interpénétration des mondes humains et insectes. À l’image de son héroïne éponyme, porte-parole d’une écologie radicale, Nausicaä propose de flâner dans la beauté luxuriante de la jungle irrespirable pour mieux s’en inspirer.

Mais une telle harmonie ne va pas sans heurts. Même la rurale Vallée du vent, dont l’économie repose sur l’énergie éolienne, doit régulièrement nettoyer ses terres des champignons toxiques qu’apportent les vents de la fukai. Coexister dans et avec la nature ne signifie nullement s’y dissoudre, mais conserver en son sein des barrières – perméables, certes – capables de protéger les processus vitaux. Une telle utopie politique – fondée sur une société de petite taille – ne se généralise pas à l’échelle de la planète. Les impérialistes Toltèques, images terribles du complexe militaro-industriel, désirent ressusciter les Guerriers de Feu, qui avaient détruit la Terre des siècles plus tôt, pour purger la fukai par les flammes ; quant aux Pejite, leur noblesse de cœur s’appuie sur le massacre d’Ômus, tranquilles (et colossaux) gardiens de la forêt. 

À notre époque de guerre écologique, Nausicaä prend un nouveau sens. Contrairement à bon nombre de productions contemporaines, tel Demain, archétype de l’écologie utopique, qui imaginent un futur verdoyant construit par la seule force des bonnes volontés, Nausicaä considère que l’écologie, comme modèle social de production, ne pourra pas s’imposer par les seuls bons sentiments. L’amour ne triomphe pas sans l’appui de la force.

Ainsi, aussi pacifiste soit-elle, la princesse Nausicaä n’hésite pas à porter le fer contre ses semblables. Dans le même temps, ses velléités martiales l’affranchissent du care où l’on relègue trop souvent les héroïnes idéalistes : en prenant les armes pour défendre les siens, elle devient modèle universel des luttes – à la limite de l’asexuation, comme en témoigne sa métamorphose finale.

Ceci donne lieu à de grandioses scènes de batailles, doublement fratricides : entre les hommes (Toltèques, Pejite et Vallée du vent), entre êtres vivants (insectes et humains). Ce n’est pas de gaîté de cœur que Yupa et Nausicaä tuent leurs congénères ; dans leur tragique destin se joue le drame d’une humanité contrainte de s’entretuer pour inverser la fatale pente vers sa destruction.

Si l’on souhaite vraiment ébranler notre société malade, sans doute ferait-on mieux de se tourner vers une épopée apocalyptique comme Nausicaä, où la destruction de l’humanité conduit à son renouveau, que vers des œuvres aussi sympathiques, et donc inoffensives, que Demain. Pour changer le monde, il faut le brusquer ; et pour faire taire les armes, les détruire.


Disponible sur Netflix


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