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LE TROU

Accusé de tentative de meurtre sur sa femme, Claude Gaspard est enfermé à la prison de la Santé. Ses quatre compagnons de cellule lui font part de leur désir d’évasion et creusent, avec une énergie farouche, un tunnel qui les mènera à la liberté. Leur plan aboutira-t-il ?

Critique du film

Le Trou commence directement, sans générique. En préambule, Jean Kéraudy – qui jour le rôle de Roland –  précise qu’il s’agit d’une histoire vraie qui se déroula en 1947, à la prison de la Santé. Jean Kéraudy, alors incarcéré, organisa une évasion avec des compagnons de cellule, dont le futur réalisateur et écrivain José Giovanni Ce dernier relata cette aventure dans un livre en 1957, adapté 3 ans plus tard par Jacques Becker dont c’est le dernier film. Atteint d’insuffisance hépatique et de problèmes cardiaques, le réalisateur succombe à la maladie peu de temps après avoir achevé le montage du Trou, dont le tournage, éprouvant eut lieu au Fort D’Ivry. 

Réalisé en quelques semaines avec des acteurs débutants, en son direct, sans musique – sauf pour le générique de fin – le dernier film de Jacques Becker constitue un tour de force cinématographique. Sans effet choc, sans dramatisation excessive, mais avec un sens du détail qui confine au documentaire et une sobriété exemplaire de la mise en scène, le film nous tient en haleine durant plus de deux heures. A part le jeune Gaspard – interprété par Marc Michel – dont on sait qu’il a été arrêté pour une tentative de meurtre sur son épouse, rien n’est précisé quant aux crimes des quatre autres prisonniers. Mais comme il est question, au cours d’un échange entre eux, des Assises, de 10 ans minimum et même de guillotine, on se doute qu’on n’a pas affaire à des enfants de chœur. Malgré la gravité présumée de leurs crimes, on espère qu’ils vont réussir dans leur tentative. 

Ce qui frappe chez les personnages, c’est leur pugnacité et leur créativité incroyable. A chaque problème sa solution et l’inventivité dont ils font preuve laisse pantois. Un périscope, des pantins pour simuler des prisonniers endormis ou un sablier de fortune, tout concourt à rendre ces hommes dignes d’intérêt. A leur solidarité et à leur fraternité – ils partagent toutes leurs provisions, l’un d’eux va même jusqu’à servir le café à ceux qui sont encore couchés – s’ajoute une sorte d’amour du travail bien fait, de la tâche exécutée avec précision et régularité. Cette maîtrise d’un travail, d’une tâche, ce professionnalisme, en quelque sorte, contribue à rapprocher ces personnages de héros de films d’Howard Hawks. Comme chez ce dernier, les personnages se définissent par ce qu’ils font et par le fait qu’ils le font très bien.

Concernant d’autres références cinématographiques, on serait tenté de faire un parallèle avec le film de Robert Bresson, Un condamné à mort s’est échappé, sorti en 1956, pour l’aspect documentaire, épuré. Mais si le film de Bresson comportait des aspects optimistes et une connotation religieuse, Le Trou s’avère pessimiste et ancré dans le réel. La filiation avec Jean Renoir, dont Jacques Becker fut longtemps l’assistant et qui était son ami, s’impose. Le montage, confié à Marguerite Renoir, les similitudes avec La Grande Illusion – évasion par un tunnel, bien sûr, mais aussi la question des classes sociales différentes qui partagent la même prison – laissent deviner l’admiration que portait Jacques Becker au metteur en scène de La Règle du Jeu.

Le film nous montre le monde de la prison, dans toute sa grisaille et son quotidien : pas de rideau devant les toilettes : on urine devant ses compagnons de cellule, la soupe est immangeable et la fouille des colis – scène marquante – se fait de façon impitoyable. Cette description de la prison se fait sans apitoiement, sans pathos. Car si le film parle de trahison, il est également question  d’espoir et de liberté, de lutte et de camaraderie.

Porté par une très belle interprétation, dont Michel Constantin dont c’était le premier rôle mais aussi Philippe Leroy et Raymond Meunier, magnifié par la photographie de Ghislain Cloquet, Le Trou a marqué plusieurs générations de cinéphiles et représente un des sommets du cinéma français des années 1960. Jean-Pierre Melville le considérait comme le meilleur film français jamais réalisé. Il sort le 2 septembre dans la collection proposée par Jean-Baptiste Thoret,  Make My Day, dont c’est le premier hors-série. 


Disponible le 2 septembre en vidéo chez StudioCanal

Une très belle édition collector, comprenant un combo Blu-Ray  / DVD, avec suppléments et un livre de 176 pages comportant de belles photos. Voici un bref aperçu du contenu de l’ouvrage, qui se divise en 2 parties : d’abord, un ensemble de 4 analyses regroupées sous le titre « Aujourd’hui » et ensuite des documents : articles de presse et un fac-similé du scénario original. Une très belle occasion de redécouvrir ce monument du cinéma.


Sommaire de l’ouvrage : 
-1) Aujourd’hui
* « Seules les mains » par Jean-Baptiste Thoret : analyse passionnante, comme d‘habitude. Jean-Baptiste Thoret nous parle entre autre de la version d’origine, plus longue de 24 minutes, de l’influence de Jacques Becker sur d’autres cinéastes. 
  • « Frère Jacques » par Antoine De Baecque : rappel de l’oubli dans lequel le film tomba durant une époque jusqu’à sa redécouverte en 1991. Antoine de Baecque nous fait partager le parcours de vie et professionnel du réalisateur avec beaucoup de détails
  • « Jacques Becker franc-tireur » par Bernard Bénoliel : analyse qui met l’accent sur les thèmes de la résistance et de la collaboration, du ressentiment et de la révolte. 
  • « Le Trou, influences, divergences et confluences » par Olivier Père : l’auteur détaille les différences avec le cinéma de Bresson et le similitudes avec ceux de Renoir et de Hawks.
2) Documents : 
*Articles de presse 
*Fac-similé du scénario original

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