LE SYSTÈME VICTORIA
Directeur de travaux, David est à la tête du chantier d’une grosse tour en construction à La Défense. Retards insurmontables, pressions incessantes et surmenage des équipes : il ne vit que dans l’urgence. Lorsqu’il croise le chemin de Victoria, ambitieuse DRH d’une multinationale, il est immédiatement séduit par son audace et sa liberté. Entre relation passionnelle et enjeux professionnels, David va se retrouver pris au piège d’un système qui le dépasse.
Critique du film
En ouverture, le point de vue sur le vide qu’offre la caméra grimpant sur la paroi d’un immeuble convoque déjà tous les enjeux du film. Cette plongée vertigineuse implique d’emblée le danger qui rôde, qui s’est peut-être même déjà installé. Au-delà de la composante texturée et brutaliste du chantier de construction qui sert de décor, Le système Victoria de Sylvain Desclous ne se départit pas de cette idée de choc, notamment celui issu de la rencontre entre David et Victoria, et du fracas qui en découle. En faisant se rencontrer deux personnes issues de mondes opposés, c’est une étude de classes qui prend alors forme, la transformation d’un matériau brut en un édifice sophistiqué.
Tandis qu’il subit les événements personnels et professionnels qui l’acculent, David est petit à petit ramené à la vie par la très charismatique Victoria. Mais cette relation naissante aux premières allures de comédie romantique prend très rapidement une autre tournure, plus énigmatique. La réalisation de Desclous, précise et froide, à bon escient, réussit à charger la notion de menace de manière progressive, élaborant ainsi un suspens enrichi par une image clinique, réchauffée uniquement par les rapports lumineux qui existent entre les deux personnages, à l’alchimie flagrante. Grâce à un scénario resserré à l’os et ne contenant que l’essentiel, le film jouit d’une direction qui s’approche des thèmes de l’emprise. Comme le ferait un prédateur (ou une prédatrice) en observant sa proie, Desclous ne s’éparpille pas et ne s’écarte jamais de son objectif. Le résultat est donc une mécanique sombre mais parfaitement huilée, tranchante comme le béton que l’on découvre en introduction.
En adaptant le roman éponyme d’Éric Reinhardt, le réalisateur s’éloigne de la « politique politicienne » de son précédent film, le très réussi De grandes espérances, pour approcher un monde néanmoins régi par une logique politique, celle du capitalisme. On peine à imaginer qui d’autre que Jeanne Balibar aurait pu incarner ce principe, attractif bien qu’impitoyable. Sans s’éloigner totalement de l’image fantasque qu’elle dégage habituellement, elle compose une Victoria envoutante et cruellement attachante. Face à elle, la mine renfrognée de Damien Bonnard permet de s’identifier facilement à cet homme de principes, qui succombe au mystère qui entoure sa nouvelle amie.
Contraint de réfléchir en même temps que David, le spectateur est impliqué tout au long de ce thriller psychologique qui ne referme pas toutes les portes qu’il ouvre, laissant alors la possibilité de se faire son propre avis. Une technique tout à fait appropriée au système Victoria.
Bande-annonce
5 mars 2025 – De Sylvain Desclous