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LE MARCHAND DE SABLE

Marqué par des années de prison, Djo, livreur de colis en banlieue parisienne, vit modestement chez sa mère avec sa fille. Un jour, une tante qui vient de fuir le conflit ivoirien débarque chez eux avec ses trois enfants. Dans l’urgence, Djo réussit à leur trouver un local. Mais face à la demande croissante et dans la perspective d’offrir une vie décente à sa fille, Djo bascule et devient marchand de sommeil.

Critique du film

Les chiffres font froid dans le dos. En France, actuellement, ce sont 4 millions de personnes qui souffrent du mal-logement : sans-domicile, familles entassées des logements surchargés ou insalubres, sans-papiers reclus dans des sous-sols humides sans électricité ni sanitaires. Malgré la promesse du candidat Macron en 2017, la crise du logement est loin d’avoir été réglée, la situation s’étant même aggravée à l’issue de son premier quinquennat. Le manque de logements abordables pour les ménages les plus défavorisés, combiné à la flambée des loyers, est une aubaine pour les profiteurs de crise, les marchands de sommeil. En effet, c’est tout un écosystème clandestin qui gagne qui terrain, des milliers de personnes au pied du mur se retrouvant dans l’impasse et contraints d’accepter de louer des habitats indignes pour survivre, au prix parfois de leur santé et même de leur vie (on se souvient du drame de la rue d’Aubagne à Marseille, en 2018).

Cette question du mal-logement est au coeur du film de Steve Achiepo, Le marchand de sable, qui nous immerge d’abord au coeur d’une célébration familiale conviviale et volubile en l’honneur de la matriarche appréciée de tout.es. Alors que sa tante Félicité et ses trois enfants arrivent tout juste d’un Abidjan où la situation était devenue intenable, Djo doit trouver une solution pour leur éviter de se retrouver à la rue ou de s’entasser dans un refuge d’urgence déjà bondé. Cette longue séquence d’ouverture permet au spectateur, avant que le récit ne glisse progressivement vers le thriller social, de rencontrer les protagonistes de l’histoire, et de découvrir leurs rapports familiaux et les enjeux qui en découlent au sein de cette communauté qui s’efforce tant bien que mal de conserver son sens de la solidarité.

Le marchand de sable

Si, au départ, Djo ne ménage pas ses efforts pour ne pas laisser sa tante dans une situation trop difficile et s’efforce d’assumer de front son travail de livreur, son statut de père célibataire et de se montrer aidant avec ses proches, il va progressivement franchir une ligne de démarcation morale où la solidarité ne sera plus le seul moteur de ses actes. Face à l’impuissance des solutions légales, qu’incarne son ex-compagne travailleuse sociale (magnifique Ophélie Bau), il choisit l’option de l’illégalité en constatant combien le flot de familles dans le besoin ne s’interrompt pas suite à la crise ivoirienne.

La réussite du film de Steve Achiepo se trouve dans cette peinture sombre et pourtant ô combien nécessaire de ces exilés malmenés par le destin, étouffés par la nécessité de trouver des solutions – même les plus effroyables. S’il peine à trouver le juste ton dans son dernier acte, Le marchand de sable a le grand mérite de mettre en lumière la cynique absence de scrupules de ces profiteurs mafieux et des terribles conséquences de la crise du logement sur les plus vulnérables, pendant que les pouvoirs publics se contentent de mener tranquillement leur politique de comptable déshumanisée et irresponsable.

Bande-annonce

15 février 2023De Steve Achiepo




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