LA VENGEANCE EST À MOI
En octobre 1963, la police découvre les cadavres de deux collecteurs de taxes dans la campagne. Le suspect est l’un de leurs collègues : Iwao Enokizu, un escroc plusieurs fois condamné. Réfugié dans une auberge d’Hamatsu, Enokizu se fait passer pour un professeur d’université et poursuit ses méfaits alors que son portrait est affiché dans tout le Japon. L’histoire vraie d’un tueur sans scrupules que la société a transformé en monstre.
Critique du film
Tourné en 1979, mais sorti en France pour la première fois seulement en 1982, La Vengeance est à moi suit, à travers une intrigue à la narration complexe – de nombreux flashbacks nous renvoient notamment en 1938, 1946 et 1959 –, le périple délinquant et meurtrier d’Iwao Enokizu. L’affaire a eu lieu en 1964. Le véritable criminel s’appelait Akira Nishiguchi et son histoire fut relatée par l’écrivain Ryuzo Saki, spécialiste des faits divers. Du livre relatant cette sombre affaire, Shohei Imamura s’est emparé alors qu’il n’avait pas tourné depuis 1970.
Revenant sur le passé de cet homme froid, violent et transgressif – il semble détester son père au plus haut point et ne ressent aucune empathie pour les autres – Shohei Imamura nous fait revivre les humiliations auxquels l’homme a pu être confronté. Ainsi, les persécutions dont son père catholique a été la victime ou le passage du jeune Iwao en maison de correction pendant la guerre, l’occupation américaine, sans pour autant excuser les agissements ultérieurs de cet homme qui se livre très vite à des vols, escroqueries, puis ira jusqu’à commettre des meurtres particulièrement sauvages.
A history of violence
Comme souvent chez Imamura, on assiste à la description d’un Japon à la fois moderne et ancestral, profondément ancré dans des traditions, voire des croyances et superstitions d’un autre âge et également marqué par une violence inouïe. De même, la famille d’Iwao Enokizu semble totalement dysfonctionnelle. Le père et la bru entament une relation charnelle et le fils regrettera de ne pas avoir tué son géniteur. Que lui reproche-t-il depuis toujours, car sa haine semble antérieure aux relations sexuelles contre nature de sa femme et de son père ? Peut-être finalement lui en veut-il à mort – au sens fort du terme – de ne pas avoir répondu aux humiliations subies en tant que chrétien. De ne pas avoir correspondu au modèle du père fort, viril et protecteur. Cette vengeance qui est donc à Iwao est celle d’un homme qui va s’en prendre à des innocents qu’il dupe ou qu’il va jusqu’à assassiner.
La vision clinique, glaçante des crimes d’Iwao, interprété par un Ken Ogata magistral et particulièrement inquiétant, laisse le spectateur pantois devant tant de violence. La mise-en-scène de Shohei Imamura, son sens du cadre et sa vision quasiment documentaire de l’affaire, tout concourt à faire de La Vengeance est à moi une des grandes réussites du réalisateur. Le film ressort le 11 mai en salle dans une version restaurée 4K qui rend parfaitement justice aux qualités esthétiques de cette œuvre majeure.
Bande-annonce
11 mai 2022 – De Shôhei Imamura, avec Ken Ogata, Rentarô Mikuni, Chôchô Miyako