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LA NUIT DU 12

À la P.J., chaque enquêteur tombe un jour ou l’autre sur un crime qu’il n’arrive pas à résoudre et qui le hante. Pour Yohan, c’est le meurtre de Clara. Les interrogatoires se succèdent, les suspects ne manquent pas, et ses doutes ne cessent de grandir. Une seule chose est certaine, le crime a eu lieu la nuit du 12.

CRITIQUE DU FILM

Extérieur nuit. Une jeune femme quitte ses amis pour rentrer chez elle après une longue soirée. Elle sort son téléphone pour laisser un message à sa meilleure amie qu’elle vient de quitter. Soudain, une silhouette sombre apparaît devant elle. Elle se fige. La personne l’asperge d’un liquide et sort un briquet. 

Il y a quelque temps, des producteurs ont lu ce début de scénario et ont eu envie de continuer. Puis, leur lecture terminée, ils ont décidé de produire le film. Bien leur en a pris car La Nuit du 12 est une réussite. Si le polar (notamment à la française) est un genre plutôt galvaudé – même s’il a connu de belles réussites – Dominik Moll apporte ici à sa manière sa pierre à l’édifice. Auteur de l’excellent Harry, un ami qui vous veut du bien (2000) salué à l’époque par quatre César et un succès en salles, le réalisateur né à Bühl en Allemagne de l’Ouest en 1962 a réalisé quatre films depuis, dont le réussi Seules les bêtes en 2019, ainsi que deux séries TV (Tunnel et Eden).

Le scénario de La nuit du 12, écrit à quatre mains avec son scénariste attitré Gilles Marchand (lui-même cinéaste), se base sur 18.3. Une année à la PJ, un livre de Pauline Guéna paru en 2020 aux éditions Denoël. L’autrice a passé une année éprouvante en immersion dans les services de la P.J. de Versailles. Le scénario n’en utilise qu’une trentaine de pages : une enquête menée par un policier, Yohan, pour élucider un meurtre horrible. Moll a aussi tenu à suivre lui-même un groupe d’enquêteurs au travail sur une courte période. « Être avec eux m’a permis d’être précis et plus juste dans le ton du film, de ne pas être faussement spectaculaire à la recherche d’artificielles bouffées d’adrénaline, mais au contraire plus proche de l’humain, des malaises et des passions qui animent les enquêteurs », déclare-t-il.

La nuit du 12

Enquête non élucidée

L’action se déroule dans la région de Grenoble et la vallée de la Maurienne, décor plutôt singulier dont le cinéaste tire des ambiances contrastées. Si le genre du polar donne généralement lieu à l’élucidation d’un mystère, La nuit du 12 préfère se concentrer sur le mystère lui-même. D’ailleurs, dès le début, un carton indique que nous sommes en présence d’une enquête non élucidée. Risque énorme pris par les scénaristes qui écartent d’emblée tout suspens lié au dénouement de l’intrigue, ce qui aurait pu être dommageable pour l’intérêt du film. Pourtant, force est de constater que ce n’est pas le cas. On n’a pas affaire ici à un thriller classique : presque pas de scènes de tension ou de suspens. Il s’agit avant tout d’un récit psychologique. La nuit du 12 explore les conséquences d’enquêtes difficiles sur la vie d’inspecteurs de police forcément humains, et pose la question : comment la mort, la violence et surtout un questionnement sans réponse hantent-ils les vivants jusqu’à les pousser au bout de leurs capacités de résistance ? Si le personnage joué par Bouli Lanners est très touchant, celui campé par l’excellent Bastien Bouillon (déjà vu dans le précédent film de Moll) reste opaque, ce qui est un peu dommage. On aurait aimé connaître un peu mieux Yohan, même si c’est un taiseux et que l’acteur parvient à être intense juste avec son regard et sa capacité d’écoute. 

Par sa maîtrise de la mise en scène, sa direction d’acteurs adroite, son refus de l’esbroufe et un souci constant du détail, Dominik Moll réussit là où d’autres se seraient cassés les dents, et extirpe son film des clichés du genre pour en faire un récit prenant. Il bénéficie en outre d’une musique inventive signée Olivier Marguerit, déjà compositeur de la BO de Onoda, 10 000 nuits dans la jungle d’Arthur Harari.

Les inspecteurs évoluent dans un milieu très masculin, un monde où l’entraide règne malgré les inévitables tensions. Mais c’est bien la violence subie par les femmes qui est le leitmotiv du film. Comme on l’entend dans le dernier tiers, il y a « quelque chose qui cloche entre les hommes et les femmes ». Ce à quoi répond la fameuse chanson de James Brown : It’s a man man’s world. La nuit du 12 se situe pile au cœur de ce paradoxe : si le mal émane des hommes, son élucidation dépend des hommes aussi, à condition qu’ils ne perdent pas espoir dans l’adversité.

Bande-annonce

13 juillet 2022De Dominik Moll, avec Bastien BouillonBouli Lanners


Cannes 2022 – Première




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