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L’APPARITION

Jacques, grand reporter pour un quotidien français reçoit un jour un mystérieux coup de téléphone du Vatican. Dans une petite ville du sud-est de la France une jeune fille de 18 ans a affirmé avoir eu une apparition de la Vierge Marie. La rumeur s’est vite répandue et le phénomène a pris une telle ampleur que des milliers de pèlerins viennent désormais se recueillir sur le lieu des apparitions présumées. Jacques qui n’a rien à voir avec ce monde-là accepte de faire partie d’une commission d’enquête chargée de faire la lumière sur ces événements.

Auprès d’Anna

L’Apparition débute sur des images fortes : dans un pays en guerre du Moyen-Orient, un homme dans une chambre d’hôtel, Jacques,  – Vincent Lindon – nettoie un appareil photo maculé de sang. Emmené sur le tarmac d’un aéroport militaire, ce journaliste se recueille devant l’avion qui va emmener la dépouille de son collègue, tué par un obus. Plus tard, à l’hommage qui est rendu à ce dernier dans les locaux de son journal, Jacques ne peut se résoudre à y participer et semble rester muré en lui-même. 

Habitué à travailler sur le thème de l’imposture ou du mensonge – notamment dans le très réussi et intéressant À l’origine, avec François Cluzet -, Xavier Giannoli souhaitait réaliser un film sur la question  religieuse et travailler avec Vincent Lindon, en lui offrant un rôle tout en intériorité. Le réalisateur s’interrogeait également sur son propre rapport à la croyance, au mystère. Des commissions d’enquêtes, consacrées à de prétendus miracles ou à des apparitions, ont lieu régulièrement. Et préfèrent parfois classer des dossiers trop ambigus. Comme le dit l’un des personnages du film, mieux vaut oublier une vraie apparition que de valider une supercherie qui discréditerait l’institution religieuse.

Jacques se montre dubitatif au départ. Pourquoi avoir fait appel à lui pour faire partie de cette commission d’enquête ? Face à la jeune Anna – jouée avec beaucoup de sensibilité par Galatéa Bellugi -, qui dit avoir assisté à une apparition de la Vierge, Jacques va peut-être perdre certaines de ses certitudes. Ou plus exactement accepter de ne pas avoir de certitudes et se laisser envahir par une forme d’acceptation : celle du mystère, celle de ne pas tout comprendre. Considéré par certains ecclésiastiques comme un ennemi  – « C’est Anna qui vous a fait venir à nous pour nous mettre à l’épreuve » lui dit Anton, prêtre étrange et peut-être imposteur – Jacques demande juste à découvrir la vérité des faits qui se sont joués dans ce petit village. Mais cette recherche de vérité peut déranger. Comme ces autres membres de la commission qui sont évincés d’une cérémonie, quasiment manu militari par des sœurs. Le fanatisme, l’intégrisme, qui se traduisent dans ce film par une forme d’idolâtrie autour d’Anna, vulnérable et torturée, sont pointés du doigt mais ne sont pas le sujet central du film. Le thème majeur tourne réellement autour du mystère et de la foi. Le traitement qu’a choisi Xavier Giannoli a déçu certains – ce qui peut sembler évident dès qu’on touche à un sujet aussi personnel et indicible -, tant parmi les spectateurs que parmi les critiques. L’accueil a été mitigé. 

Le mystère et la raison

Film sur la foi et la possibilité d’une imposture, mais aussi sur les signes – ceux que nous envoie la vie ou ceux qu’on veut bien voir -, l’engagement et les traumatismes, L’Apparition offre plus de questions que de réponses. La véritable foi, est-ce le mysticisme, la tentation de la sainteté que connaît Anna, au risque de se laisser engloutir par la folie des hommes qui l’entourent – les fidèles mais aussi les religieux – ou l’engagement concret auprès des pauvres des réfugiés ?  

La très belle bande son, avec des compositions d’Arvo Pärt, Claudio Monteverdi, Georges Delerue et Johann Johannsson, apporte beaucoup de sérénité à cette histoire qui est aussi celle d’un homme qui cherche une certaine forme de vérité là où il n’y en a peut-être pas. Autour de Vincent Lindon, impeccable et journaliste intègre et tenace, malgré ses blessures, et de Galatéa Bellugi, véritable révélation de ce film, on trouve Patrick D’Assumçao, en père Borodine et Anatole Taubman, le premier tour à tour inquiétant et touchant et le second manipulateur, ambigu. 

L’un des personnages l’affirme à Jacques : « Avec une preuve, vous n’auriez plus le choix. Il n’y aurait plus de mystère. La foi, c’est un choix libre et éclairé ». S’il n’y a plus de mystère, il n’y a plus de choix. Film sur le mystère, donc, et pas forcément religieux. Sur le mystère et l’humilité face à celui-ci, L’Apparition peut dérouter, décevoir, laisser perplexe ou emporter l’adhésion. Mais difficile de ne pas lui reconnaître de réelles qualités formelles et d’écriture. Une véritable émotion naît de ce film construit comme une enquête, mais qui laisse une place de choix à ce qui peut défier l’entendement ou la raison. 

#LBDM10ANS

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