FANTÔME D’AMOUR
Un homme rencontre par hasard Anna, son ancienne maîtresse, dont on lui dit qu’elle est morte depuis trois ans.
Critique du film
Marcello Mastroianni est Nino Monti, un homme d’âge mûr qui s’est marié il y a longtemps et qui vit avec sa femme un amour peut-être un peu éteint. Un jour qu’il prend le bus, il rend service à une femme, interprétée par Romy Schneider, qui a l’air malade en lui prêtant cent lires pour son ticket. Lorsqu’elle l’appelle le soir même pour lui proposer de le rembourser, elle lui apprend qu’elle est Anna Brigatti, son amour de jeunesse. Nino, bouleversé, troublé à l’extrême, veut la revoir. Mails lors d’une soirée entre amis de longue date, un des membres de la soirée prétend que cette femme est décédée il y a trois ans. Cette femme est-elle réelle ? Ou un fantôme ? Et si c’est une apparition, que veut-elle ?
Dino Risi, qui fût un des grands maîtres de la comédie italienne avec des chefs d’œuvre comme Le Fanfaron, Les Monstres, Le Sexe fou, a aussi livré quelques chefs d’œuvre d’émotion comme Parfum de femme, Âmes perdues – qui flirtait déjà avec le genre fantastique – ou Dernier amour. Ici, avec Fantôme d’amour, qui date de 1981, on se retrouve face à un film fantastique et énigmatique à la croisée des genres qui offre une ambiance crépusculaire et qui garde tout son mystère, même après plusieurs visions.
Fantôme d’amour a la saveur de ces nouvelles fantastiques que l’on peut lire le soir chez soi et ce n’est pas un hasard. Il s’agit d’un film scénarisé par Bernardino Zapponi qui a publié des nouvelles gothiques et qui fut le scénariste des Histoires extraordinaires, film à sketches d’après Edgar Allan Poe et des Frissons de l’angoisse de Dario Argento. Et le matériau d’origine est un livre de Mino Milani. Auteur originaire de Pavie, ville où se situe l’histoire. Cette femme est-elle réellement qui elle prétend ? Est-elle vivante, malgré ce que pense un des amis de Nino ? Ou est-elle une revenante ?
Romy Schneider trouve ici quasiment un double rôle : celui d’une femme à la beauté éclatante et d’une autre en pleine déchéance ; deux visages d’une même personne et révélateurs de la dualité de la vie, à partir de la jeunesse insouciante et vivace, jusqu’à la chute irrémédiable. Peut-être est-elle une apparition surnaturelle que voir un homme qui perd la raison, ou qui va mourir. Ou encore le reflet de la décrépitude de cet homme blasé et repus, embourgeoisé à l’extrême et vivant dans le mensonge à travers un bonheur et un confort factices ?
Marcello Mastroianni livre une interprétation tout en finesse d’un homme qui s’est enfermé dans une vie qui ne lui convient sûrement pas. Piégé par la routine, pas une forme de lâcheté aussi, de veulerie. Et qui a du mal avec la réalité, avec sa vie. Il apparaît comme un homme à la fois mort et vivant, au sens propre comme au figuré.
En plus de cet aspect fantastique qui peut évoquer aussi certaines nouvelles fantastiques de Dino Buzzati, Fantôme d’amour propose une réflexion sur l’amour et le désir, parfois troublante, déstabilisante : peut-on encore aimer un être cher quand il est vieux, décrépit ? Peut-on encore désirer celui ou celle qui n’est plus la personne du passé ? Passé qu’on idéalise certainement. Doté d’un charme presque suranné, sans que cela ne soit péjoratif, auréolé d’un mystère permanent et offrant quelques belles surprises scénaristiques que nous ne dévoilerons pas, Fantôme d’amour bénéficie aussi d’une très belle photographie de Tonino Delli Colli qui enrobe une ambiance pluvieuse, nocturne et mélancolique d’une aura onirique, quasiment surnaturelle.
