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DEUX SOUS D’ESPOIR

Antonio, modeste ouvrier, rentre dans son village après son service militaire. La première joie du retour passée, il lui faut affronter les exigences de la vie : sa mère et ses deux jeunes sœurs sont à sa charge. Pour les nourrir et pouvoir épouser Carmela, Antonio se fait tour à tour sacristain, afficheur, laboureur, donneur de sang… Son amour pour Carmela lui donne tous les courages, mais s’il se rit de tout, la chance, elle, ne se décide pas à lui sourire.

Critique du film

Roméo et Juliette dans la frénésie de l’Italie du Sud. Ou plutôt, Juliette (Carmela) qui n’a de cesse de courir après Roméo (Antonio). Roméo qui, lui, a le sens des priorités et surtout une famille à nourrir. Et aimerait bien que cette jeune fille inconséquente arrête de le faire renvoyer de chaque nouvel emploi précaire qu’il se trouve. Leurs deux familles se détestent. Pasquale Artu – l’artificier du village, donc presque un notable – interdit formellement à sa fille Carmela de fréquenter le rejeton des Catalano, famille de voleurs de poules.

Ce sont bien ces interdits sociaux du début des années 1950 qui animent le long-métrage. À la toute fin du néoréalisme, Castellani en conserve certains traits, comme le choix d’acteurs locaux et non-professionnels. Deux sous d’espoir reste important pour la compréhension du cinéma italien : on peut y lire les prémices du néoréalisme « rose », toujours porté sur la représentation de la réalité du pays mais moins stakhanoviste dans l’exécution. Le film de Renato Castellani impressionne par la modernité des codes qu’il tente d’installer : son montage (une succession de séquences brèves et rythmées) et son style (des mouvements de caméra recherchés).

Deux sous d'espoir
Et surtout, rien de tragique. Deux sous d’espoir se veut plutôt un mélodrame aux accents acerbes. Cusano, la petite commune qui lui sert de décor, en devient d’ailleurs un des personnages. On rencontre tous ses habitants ; le film porte sur les ragots et les « qu’en dira-t-on » mais aussi sur des façons de faire bien ancrées dans les mœurs italiennes. Castellani filme des Italiens pauvres et affamés sans pourtant se départir d’une certaine forme d’humour : les situations dans lesquelles se retrouve Antonio sont autant d’occasions de rire de ces comportements.

Les larcins réglés à l’amiable par le gendarme, le curé qui vient résoudre les différends dans le confessionnal, etc. Autant de séquences qui ont animé le cinéma italien. Trois cinémas qui passent le même film en même temps, des bobines qu’il faut emmener d’une salle à l’autre en vélo, et qu’on finit par passer dans le mauvais sens… On ne peut pas ne pas y voir l’inspiration de Giuseppe Tornatore pour son Cinema Paradiso.

Deux sous d’espoir reste pourtant un film d’amour. Deux amants qui n’en finissent plus de se retrouver et de se séparer en fonction de leur situation du moment. Quelques belles scènes de sérénades – même si plutôt que Juliette, c’est souvent sa mère qui est au balcon. Jusqu’à un final très inattendu, où ils décident justement de mettre le village de leur côté. Chef d’œuvre qui laisse présager l’avènement d’un cinéma italien moins doloriste, Deux Sous d’espoir sort la même année que le magistral Umberto D. (Vittorio De Sica, 1952). La richesse d’un cinéma italien dans tous ses états.

Bande-annonce

30 mars 2022 – De Renato Castellani, avec Vincenzo Musolino, Maria Fiore et Filomena Russo.




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