DARLING
Diana Scott est une enfant gâtée, consciente de sa beauté. Elle a épousé homme jeune et candide, mais ce mariage fût un échec. Elle devient mannequin, lancée par un reporter de télévision qui a quitté sa femme pour elle. Mais Diana abandonne son amant pour un bel homme d’affaires, puis pour un prince italien. Elle prend peu à peu conscience du monde artificiel dans lequel elle vit.
Critique du film
Si John Schlesinger est principalement connu pour Midnight Cowboy, le cinéaste anglais a connu un succès retentissant dès son troisième long-métrage, Darling. Après ses premiers films qui s’intéressaient davantage à des personnages issus de milieux populaires, le réalisateur souhaitait réaliser une œuvre dans un environnement social un peu plus “privilégié”. L’Angleterre populaire des travailleurs est délaissée, mais on retrouve l’obsession principale du personnage Schlesingerien : le rêve de transfuge de classe.
Dans A Kind of Loving, la création d’un nouveau foyer est surtout une tentative d’échapper à la médiocrité de son existence, tandis que le Billy de Billy Liar préfère imaginer dans son lit d’histoires fantasmagoriques plutôt que de se lever et de se confronter à son quotidien bien terne. Dans Darling, Diana Scott est une jeune femme prête à tout pour se faire une place dans le monde de la jet set. Elle saute de relation en relation, espérant que chacune lui permettra de s’épanouir et de lui ouvrir de nouvelles portes dans le showbiz.
Le film se construit sur la répétition d’un même schéma qui jalonne tout le récit. D’abord, il y a une rencontre. Celle-ci est synonyme, à première vue, d’espérance et d’opportunités féeriques. Passé la phase d’idéalisation, une fois que la situation s’ancre dans un certain conformisme, Diana s’ennuie et doit changer d’air. Le surplace lui est interdit, peu importe ce que ses migrations lui coûtent. Elle se retrouve, à l’image du procédé du film, une figure à la fois immobile et volatile.
Usant d’une grammaire cinématographique subtile et précise, le réalisateur fait comprendre en quelques allégories bien trouvées tout le drame derrière la vie de sa protagoniste. Elle se retrouve ainsi être à la fois ce poisson dans un bocal, dont l’ajout d’un partenaire n’étend pas l’horizon de l’aquarium, que ce ballon de baudruche que les hommes s’amusent à faire tournoyer entre eux autour d’une table, avant de le faire éclater d’un geste négligent. Ce dernier phénomène de manipulation est expressément pernicieux, car celle qui est convaincue de faire des hommes ses jouets ne perçoit pas que c’est elle la poupée malléable et remplaçable.
Pour trouver le personnage incarné par Julie Christie, qui remportera l’Oscar pour son rôle, Schlesinger et son équipe ont suivi un certain temps une femme nommée Jennifer, au style de vie similaire à celui de Diana Scott dans le film. Finalement, pour diverses raisons, le film s’est écarté du matériau d’origine, mais ce travail de recherche confirme que Darling constitue tout autant le portrait d’une femme que celui du showbiz. Les dîners caritatifs, les soirées échangistes et les vernissages d’artistes prétentieux… Tous ces événements sont passés dans la moulinette de la satire du réalisateur. Sous les strass et les paillettes, cet univers apparaît si vide, terriblement vide.
Le film garde donc un pied dans le Free Cinema, mouvement du cinéma britannique s’inscrivant dans une tradition documentariste qui met en scène des héros jeunes et modernes cherchant à se rebeller contre leur environnement. L’aspect naturaliste des deux premiers films du réalisateur britannique réapparaît également par le personnage de Robert Gold, un journaliste et présentateur télé chroniquant la vie anglaise.
Sorti aux Etats-Unis durant l’été 1965, puis à l’automne au Royaume-Uni, Darling est également un des premiers films sur les Swinging Sixties, une époque faste qui est représentée par Schlesinger comme un vaste mirage. Le libre-arbitre, dont Diana semble jouir, ne serait en fait qu’une illusion. La liberté sexuelle offerte par l’époque va de pair avec le déchaînement de prédateurs encore plus mal famés. Le film peut laisser certains spectateurs de côté à cause de son personnage antipathique, tandis que d’autres y verront un individu refusant tout compromis et cherchant inlassablement sa place dans le monde.
Bande-annonce
De retour en salle depuis le 18 juin 2025
Disponible en blu-ray le 1er juillet
De John Schlesinger, avec Julie Christie, Laurence Harvey