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CETTE SACRÉE VÉRITÉ

Ils avaient tout pour être heureux mais c’était sans compter quelques petits mensonges, et fondé ou non, le soupçon s’est invité chez les Warriner. Rien ne va plus, leur mariage, trop hâtif, était une lubie : c’est décidé, Jerry et Lucy vont divorcer ! Au tribunal, ils se disputent la garde de Mr. Smith, leur cher fox-terrier, mais les choses vont encore se corser avec l’arrivée de potentiels prétendants et conquêtes… Plus espiègles et malicieux que jamais, Jerry et Lucy font tout pour ruiner leurs nouvelles chances respectives de trouver l’âme sœur. Le chassé-croisé est lancé et si tous les coups sont permis, c’est bien que ces deux-là ne sont pas si mal assortis…

Critique du film

Réalisé en 1937 et adapté d’une pièce de théâtre créée en 1922, Cette sacrée vérité appartient à un des sous-genres de la screwball comedy, qu’on nomme comédie du remariage et qui comporte plusieurs réussites mémorables dont New York-Miami ou La Dame du vendredi. Cet film est fondé sur la séparation, le divorce d’un couple qui va chercher ensuite à se réconcilier, tout en traversant des péripéties qui produiront autant de gags visuels, de situations burlesques ou de dialogues mitraillés et plein de sous-entendus. Sous-entendus d’autant plus savoureux qu’on imagine bien à quel point il fallait se creuser les méninges pour contourner la censure et le fameux Code Hays instauré en 1934. 

Leo McCarey, réalisateur de cette comédie réjouissante, avait commencé par de nombreux courts-métrages burlesques, une grande partie avec Laurel et Hardy avant de poursuivre par un peu plus de vingt longs-métrages. Parmi ceux tournés avant Cette sacrée vérité, citons l’un des meilleurs films avec les Marx Brothers, La Soupe au canard, et une comédie mélodramatique, Place aux jeunes sur l’ingratitude des enfants et la peur de vieillir dans l’isolement. Ce dernier film, désabusé et d’une grande profondeur, connut sûrement en raison de sa lucidité et de sa cruauté un échec qui marqua Leo McCarey qui allait rebondir avec Cette sacrée vérité

Et rebondir constitue bien le terme approprié puisqu’ici tout est mouvement, vitesse, rythme et humour. Les dialogues fusent dès le départ, on rentre directement dans le vif du sujet. Ce film sans temps morts, qui dure une heure trente, pourrait servir de modèle à bien des comédies actuelles. Le film commence et on comprend tout de suite que Cary Grant et Irene Dunne, à l’écran Monsieur et Madame Warriner, forment un couple où l’infidélité semble être un secret de Polichinelle. Alors que Monsieur Warriner s’allonge sous une lampe à bronzer, un ami le taquine. On a vite compris que le personnage de Cary Grant doit bronzer rapidement pour simuler un séjour en Floride, alors qu’il était en compagnie d’une conquête. Les scènes suivantes nous feront vite comprendre que son épouse n’est pas en reste lorsqu’il s‘agit de donner des coups de canif dans le contrat matrimonial. 

Porté par l’abattage exceptionnel de Cary Grant et d’Irene Dunne, ne laissant aucun répit aux spectateurs, Cette sacrée vérité bénéficie d’une brillante mise en scène qui fait la part belle aux gags visuels et aux allusions sexuelles, sans négliger la beauté et le luxe des décors et des costumes. On navigue parfois en plein burlesque et on se surprend à rire encore aujourd’hui de scènes comme celle où Cary Grant tombe de sa chaise ou celle ou Monsieur Smith, le chien du couple provoque des catastrophes. Chien dont le couple se dispute la garde lorsque vient le moment de la séparation. Le couple Warriner appartient à un milieu très favorisé et leurs disputes, leurs infidélités peuvent apparaître comme les caprices d’un couple qui vit et s’ennuie dans l’oisiveté et le luxe le plus tapageur.

Ainsi, les personnages de Cary Grant et d’Irene Dunne pourraient nous sembler insupportables, mais ils restent attachants. Infidèles, mais toujours amoureux l’un de l’autre ? Ils se chamaillent durement, parfois de façon impitoyable, mais c’est la fierté, l’orgueil qui risque de les piéger et de les envoyer dans une autre histoire – elle avec un magnat du pétrole très proche de sa mère et ridicule, lui avec une chanteuse vulgaire – qui s’avèrerait sûrement sans issue. Ralph Bellamy et Joyce Compton complètent parfaitement la distribution dans les rôles des prétendants de nos joyeux divorcés. 

Très drôle et réjouissante, cette comédie qui n’a pas pris une ride – ou presque – et qui prouve que la magie d’un certain cinéma n’a pas disparu, sort en combo Blu-Ray + DVD, édité par Wild Side le 12 juillet. Le film, parfaitement restauré, s’accompagne d’un livre de Frédéric-Albert Lévy et de suppléments qui enrichissent la vision de ce joyau. 





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