voyage_a_deux

VOYAGE À DEUX

Elle étudie la musique, lui l’architecture. Elle est espiègle, d’une beauté lumineuse et novice en amour. Il est arrogant, d’un naturel déconcertant et coureur de jupons. Leur première rencontre est peu probante mais le hasard en a décidé autrement. Joanna et Mark se recroisent et tombent amoureux. Le mariage, un enfant, la réussite. Des années plus tard, de disputes en trahisons, les choses ont changé. De retour sur la Côte d’Azur, leurs escapades passées défilent. Ils se souviennent à quel point ils étaient passionnés, complices et insouciants… Leurs chemins peuvent-ils se séparer ?

Escapades

Evoquant quatre voyages différents d’un couple sur la Côte d’Azur, quatre voyages qui se télescopent, se répondent et forment un puzzle aux couleurs éclatantes, Voyage à deux repose sur un scénario très original de Frederic Raphael. Après avoir débuté avec John Schlesinger et des années avant d’écrire le script du film Eyes wide shut, le scénariste américain a imaginé ce périple des deux protagonistes qui vont se rencontrer, s’aimer, se brouiller, peut-être se séparer, sur une période de douze ans.  Ces quatre périodes de vacances estivales se déroulant sous nos yeux sans souci de chronologie.

Au moment où ils assistent à un mariage qui unit un très jeune couple, Joanna dit à son compagnon : « Ils n’ont pas l’air heureux ». Ce à quoi répond Mark : « Pourquoi le seraient-ils ? Ils viennent de se marier ». Des remarques acerbes sur l’amour et le couple, le film en offre beaucoup. De très acides et de très drôles. Notamment proférées par Mark, personnage bougon, cynique et qui paraît parfois aigri avant l’heure.  Les différents voyages de Joanna et de Mark leur permettent d’ailleurs de croiser quelques couples qui sont des reflets de leur couple futur. Des couples qui ne se parlent plus, qui ne se supportent plus. Le mariage selon Stanley Donen ? La fin du fruit défendu et de la jubilation, de la jouissance qui en découlent, le début de la routine qui s’installe et aussi l’asservissement, dans le cas de Mark, à un travail chronophage. Car il faut trouver l’argent pour élever un enfant et répondre aux attentes de son épouse. Finie la vie de bohème et la liberté qui va avec.

Si le premier périple de Joanna et de Mark est marqué par des péripéties et des mésaventures propres à un voyage qu’on fait sans le sou, il est aussi riche de petits bonheurs partagés. Comme le réconfort de s’abriter sous la pluie battante dans un  élément de chantier ou se faire prendre en auto-stop après une longue marche harassante. Une éloge de la simplicité se dégage de ces scènes.

Albert Finney, Audrey Hepburn

L’amour voyage

Voyage à deux, film sur l’amour mais aussi bien sûr sur le voyage. Voyage qui commence à se démocratiser durant les années 60. Avec ses bienfaits, mais aussi ses excès, ses dérives qui arrivent en même temps. Ainsi, la visite express de Chantilly avec le couple Manchester. Visite alibi du type  « Ca on l’a fait » mais que les protagonistes n’ont même pas l’impression d’avoir bâclée. Et voyage révélateur durant lequel on décide de se marier, on apprend une naissance ou on se brouille définitivement avec des amis.

Formellement, le film représente une des plus belles réussites artistiques de l’époque. Dès le générique conçu par Maurice Binder, (qui avait déjà commencé à travailler sur la série des James Bond ) sur la musique d’Henry Mancini, on se trouve plongé dans une œuvre à l’esthétique pop. Les couleurs sont chatoyantes, les tenues d’Audrey Hepburn (Dessinées notamment par Paco Rabanne et Mary Quant) plus belles les unes que les autres et les paysages du sud de la France magnifiés par une très belle photographie et l’utilisation d’un format d’image large (2 :35). Beaucoup de faux raccords, de jump cut viennent dynamiser et dynamiter la narration. La maestria et le rythme échevelé des comédies musicales de Stanley Donen se retrouvent ici et  donnent au film un cachet irrésistible de drôlerie et d’élégance.

L’accueil du film à sa sortie fut assez mitigé aux Etats-Unis. Jugé trop pessimiste ou amer. D’après Stanley Donen, cet aspect du film provenait en grande partie d’Albert Finney, acteur intransigeant, qui tenait à composer le personnage tel qu’il apparaît à l’écran : désabusé, mais aussi mufle à de nombreuses reprises. Mais c’est aussi ce qui fait la richesse et le sel de cette œuvre, très contrastée et à la fin ouverte. 

Film très ludique, très léger mais aussi empreint d’une certaine mélancolie, Voyage à deux doit beaucoup au charme des ses deux interprètes : Audrey Hepburn plus belle et séduisante que jamais, Albert Finney inflexible mais avec sa part de fragilité. C’est aussi une œuvre très écrite (le scénario fit d’ailleurs l’objet d’une publication au moment de la sortie du film en 1967) et plus profonde qu’il n’y paraît.

Le film est disponible dès le 11 mars superbement édité par Wild side en DVD, en Blu-ray ou en coffret combo Blu-Ray/DVD accompagné d’un très beau livre qui revient sur la genèse, le tournage et l’accueil de bijou du septième art.


DÉCOUVREZ CHAQUE DIMANCHE UN CLASSIQUE DU CINÉMA DANS JOUR DE CULTE

 




%d blogueurs aiment cette page :