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LA RUMEUR

Amies depuis les bancs de la faculté, Karen et Martha ont réalisé leur rêve en ouvrant un pensionnat de jeunes filles. Avec l’aide de la tante de Martha, Lily, elles dirigent un établissement qui jouit d’une bonne réputation. Fiancée au charmant docteur Cardin, Karen culpabilise à l’idée de quitter l’école et diffère la date de son mariage. Malgré tout, la vie s’écoule paisiblement et l’avenir semble radieux. Mais cette promesse de bonheur va être anéantie par le machiavélisme de Mary, une écolière tourmentée. Ses mensonges seront le début d’un engrenage funeste…

Les innocentes

À l’origine, il y a une pièce de théâtre écrite en 1934 : Les Innocentes (The children’s hour). L’auteure, Lilian Hellman, s’est inspirée d’un fait divers qui défraya la chronique en 1809 en Ecosse : deux enseignantes suspectées d’entretenir une liaison homosexuelle virent leurs carrières et leurs vies brisées. La pièce remporta un triomphe à Broadway avec près de 700 représentations mais resta interdite à Boston et à Chicago, ainsi qu’en Angleterre, à Londres. William Wyler en fit une première adaptation cinématographique en 1936 : Ils étaient trois (These three). Mais la censure de l’époque (on est alors en plein Code Hays, qui allait perdurer jusqu’en 1966), en édulcorant de nombreux aspects de l’histoire, avait considérablement modifié l’essence et la portée du film. Réalisée en 1961, cette nouvelle version, William Wyler la veut plus proche de l’esprit du texte original de Lillian Hellman, gardant une profonde frustration de son film initial, même si celui-ci rencontra à l’époque succès critique et commercial.

Selon Wyler, ce film ne développe pas tant le thème de l’homophobie que celui du mensonge et de son pouvoir destructeur. Il s’agit de décrire une société bien pensante, qui derrière sa façade de respectabilité, dissimule une violence et une intolérance extrêmes. Et comment de simples mensonges d’enfant vont entraîner une rumeur qui va mettre le feu aux poudre et saccager plusieurs vies humaines.

Plusieurs atouts donnent une intensité au film, malgré les presque 60 ans qui nous séparent de sa sortie. Tout d’abord l’interprétation. Audrey Hepburn qui sortait d’un rôle très différent (Diamants sur canapé de Blake Edwards) compose un personnage tout en nuances, à la fois sensible et fort. Tandis que Shirley MacLaine, dans un rôle plus ambigu, plus torturé, où le trouble se mêle à une forme de culpabilité, est très touchante. Miriam Hopkins et James Garner ne sont pas en reste, la première dans le personnage d’une parasite insupportable et le second dans celui d’un homme qui s’avérera moins faible qu’en apparence.

La rumeur William Wyler

De très bons interprètes, mais il faut souligner que William Wyler était un excellent directeur d’acteurs, réputé pour faire récolter à ses comédiens et comédiennes un Oscar. Le perfectionnisme de Wyler était légendaire. Et l’une des autres grandes qualités du film se trouve dans cette capacité qu’avait ce réalisateur à camper un personnage ou une situation avec peu d’effets, mais par de petites touches subtiles. Et puis il y a bien sûr cette atmosphère délétère de petite ville provinciale et cette violence qui ne dit pas forcément son nom. Lillian Hellman allait écrire son dernier scénario pour le cinéma en 1966 pour Arthur Penn, ce serait La Poursuite impitoyable. L’univers de cette auteure de théâtre et scénariste présente des similitudes avec ceux de Tennessee Williams et d’Edward Albee.

Cette nouvelle version fut un échec tant commercial que critique, à l’opposé de la première mouture. Shirley MacLaine critiqua beaucoup le film, en raison de scènes coupées au montage. Lilian Hellman reprocha paradoxalement au film de lui être trop fidèle. Quant à Wyler, il renia pendant longtemps ce film puis se montra moins sévère avec lui des années plus tard.

Même s’il ne s’agit pas du film le plus connu de la filmographie de William Wyler, ni de celle d’Audrey Hepburn, La Rumeur constitue un des films les plus personnels de ce grand metteur en scène. Une œuvre intense et intemporelle.


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Wild Side vidéo ressort le film en version restaurée dès le 24 juin dans un combo Blu-Ray/DVD, accompagné de suppléments et d’un très beau livret instructif rédigé par Frédéric-Albert Lévy.




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