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CERTAINS L’AIMENT CHAUD

En 1929, à Chicago, en pleine prohibition, deux musiciens poursuivis par la mafia sont contraints de se déguiser en femmes pour se joindre à un orchestre de jazz féminin partant en tournée en Floride.  

CRITIQUE DU FILM

Au firmament de la carrière exemplaire de Billy Wilder, deux joyaux brillent d’un éclat particulièrement brillant, éclairant chacun une face du genre humain : le destin funeste d’un scénariste malchanceux raconté par le défunt lui-même du fond d’une piscine (Boulevard du crépuscule, 1950) et ce Certains l’aiment chaud (1959) débordant de joie, d’humour et de vie. 

Basé sur une histoire tirée d’un film français de 1935 (Fanfare d’amour) – adapté à nouveau en Allemagne en 1951  – le scénario de Wilder et son fidèle collaborateur I.A.L. Diamond transpose l’action dans les années 1920, ajoute une intrigue liée à la mafia, et adopte le noir & blanc pour rendre plus crédible le travestissement des deux héros en minimisant le problème du maquillage. Si l’histoire de deux hommes se faisant passer pour des femmes ne dérange plus grand monde aujourd’hui (depuis, Tootsie et Madame Doubtfire ont enfoncé le clou), il n’en était pas de même à la fin des fifties encore engluées dans un puritanisme pur et dur. Certains l’aiment chaud a d’ailleurs été produit sans l’accord du Motion Picture Production Code, le fameux Code Hayes qui a fait la pluie et le beau temps sur la représentation des mœurs depuis 1930. Certains l’aiment chaud a d’ailleurs contribué, ironie du sort, par son énorme succès, à sa disparition.

Parodie du film de gangster, le film se joue du genre en le travestissant comme il le fait avec ses deux personnages principaux. Wilder avait déjà traité le thème du déguisement dans son premier long métrage, Uniformes et jupon court (1942), et l’abordera à nouveau dans Un, deux, trois (1961). Le ressort comique, vieux comme le monde, trouve sa force ici dans son sous-texte. Être une femme n’est pas facile quand on fait partie du genre masculin, on découvre la lourdeur de la drague des hommes qui agissent en terrain conquis, on est forcé et contraint de se prêter au jeu, jusqu’à un certain point – ou même jusqu’au bout ! Cette inversion donne au propos de Wilder son caractère profondément subversif, une constante chez ce réalisateur issu d’une famille juive autrichienne, ayant quitté l’Autriche après l’arrivée d’Hitler au pouvoir.

Certains l'aiment chaud

Cocktail humoristique

Les deux acteurs principaux adoptent chacun un mode de jeu bien différent, ce qui crée un contraste indispensable à ce cocktail d’humour : Jack Lemmon est survolté, animé d’une énergie incroyable, tandis que Tony Curtis est plus poseur, adoptant la moue d’une starlette posant en photo et l’accent d’un Cary Grant quand il se fait passer pour un jeune millionnaire. 

Jack Lemmon deviendra l’acteur fétiche de Wilder, ils tourneront ensemble à six autres reprises. Mais ce second tournage du réalisateur avec Marilyn Monroe, après Sept ans de réflexion (1955), sera le dernier. « Mon médecin et mon banquier m’ont fait comprendre que j’étais trop vieux et trop riche pour diriger à nouveau Marilyn Monroe », avait-il ironisé. En effet, l’actrice arrive souvent en retard sur le tournage, sans savoir son texte, obligeant Wilder à multiplier les prises. Pourtant, malgré toutes les difficultés, Monroe se révèle excellente à l’écran, dégageant un érotisme candide qui a fait sa marque de fabrique. L’actrice chante, danse, et joue à merveille la dumb blond, un rôle dont elle ne voulait pas initialement, mais qu’on l’a poussée à accepter. Un tournage très joyeux d’après Tony Curtis (il en témoigne ici) dont Andrew Dominik nous montre un envers sordide largement fictionnel dans son récent Blonde.

Les secrets du succès

Rythme et alchimie sont les secrets du succès de Certains l’aiment chaud (une expression issue d’un dialogue du film faisant référence à une musique jazz endiablée). Wilder a appris à doser l’humour avec le plus grand, Ernst Lubitsch, un style auquel il rajoute une bonne dose de critique sociale.

Certains l'aiment chaud Marylin Monroe

Quant à la BO signée par Adolph Deutsch (avec John Williams au piano !), elle revêt une grande importance au niveau diégétique, mais ce sont surtout les chansons et les numéros musicaux qui ont marqué l’inconscient collectif. La chanson I Wanna Be Loved By You est entrée dans la légende. Et l’album, disponible en streaming, s’écoute encore très bien soixante-trois ans après.

Parangon de la comédie américaine, Certains l’aiment chaud a bénéficié comme rarement d’un alignement de planètes qui lui a permis de toucher à la perfection. Ce n’est pas pour rien que l’éditeur Taschen lui a consacré un livre imposant. À chaque vision, on a l’impression de le redécouvrir. Le propre des grands films. Les spectateurs qui n’en connaissent pas encore la chute, une réplique d’anthologie, feront là une belle découverte.


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