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L’ARMÉE DES OMBRES

France 1942. Gerbier, ingénieur des Ponts et Chaussées est également l’un des chefs de la Résistance. Dénoncé et capturé, il est incarcéré dans un camp de prisonniers. Alors qu’il prépare son évasion, il est récupéré par la Gestapo…

Critique du film

La période de l’Occupation et du régime de Vichy est sensible, voire taboue. Pourtant, avec un réalisateur de talent, des acteurs investis et une écriture fine qui évite les pièges de l’angélisme ou du pathos, on obtient un des meilleurs films français de tous les temps – ainsi que le meilleur film sur la résistance et cette période troublée.

Jean-Pierre Melville est bien placé pour adapter le roman de Joseph Kessel : il fut résistant avant de rejoindre le général de Gaulle en 1942 et de participer au débarquement en Provence en 1944 et à l’assaut sur le Mont Cassin. Ce vécu se ressent dans L’Armée des Ombres, c’est indéniable ; mais là où Melville frappe fort, c’est avec cette ambiance froide et glaçante qui laisse planer une épée de Damoclès sur les résistants. Sans être bavard, L’Armée des Ombres parvient à installer une tension permanente qui ne quitte pas le spectateur. Mieux, il parvient à le secouer lors de plusieurs séquences, comme ce segment où Gerbier (joué par Lino Ventura) décide du sort de celui qui l’a trahi et qui est un exemple parfait de maitrise du rythme et du suspens. Car L’Armée des Ombres n’omet rien : il montre la guerre et la résistance d’un œil quasi-documentaire, le tout bercé par une voix-off sobre mais diablement efficace. 

We can be heroes

Si l’ambiance est une réussite, il en va de même de la mise en scène. Melville a toujours laissé sa caméra prendre le pouls de ses personnages, les laissant évoluer dans leur environnement et interagir entre eux – via la parole ou les regards. L’Armée des Ombres ne fait pas exception à la règle, avec une caméra qui suit toujours Lino Ventura en multipliant les travellings superbes, comme lors de la séquence de l’exécution. Melville scrute ses personnages, montre leur détermination et leur désarroi face à l’étau qui se resserre sur eux et les broie un à un. Il n’épargne pas le spectateur, mais ne tombe pas dans une surenchère grossière ; il montre des êtres humains, pas des héros, ni des monstres. Surtout, il fait sentir le poids de ces « ombres », ces résistants tombés au combat qui hantent le film. C’est ce qui donne vraiment à L’Armée des Ombres un cachet exceptionnel et une densité qui force le respect.

Et puis, comment ne pas souligner les performances des acteurs, que ce soit Paul Meurisse, Jean-Pierre Cassel ou Claude Mann ? Si Lino Ventura et Jean-Pierre Melville ne se parlaient plus depuis une brouille survenue lors du Deuxième Souffle, le premier livre ici une prestation ébouriffante, un roc désabusé qui sent que sa vie ne tient qu’à un fil et qui est tenté de la laisser partir ; quant à Simone Signoret, elle campe une figure solide et humaine qui elle aussi se fait broyer par la guerre. Tous sont touchants et suscitent l’empathie, même ceux qui ont le mauvais rôle.

Humain et bouleversant, il met en lumière le combat d’hommes et de femmes, tout sauf exceptionnels mais héroïques à leur façon. Une leçon de sobriété et d’intelligence pour un sujet qui en avait bien besoin et pour des personnes parfois tombées dans l’oubli. Un sommet du cinéma français.


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