featured_M-Klein

MONSIEUR KLEIN

Pendant l’occupation allemande à Paris, Robert Klein, un Alsacien qui rachète des oeuvres d’art à bas prix, reçoit, réexpédié, à son nom, le journal Les Informations juives qui n’est délivré que sur abonnement. Il découvre bientôt qu’un homonyme juif utilise son nom, et décide alors de remonter la piste qui le mènera à cet inconnu.

Critique du film

Réalisé par Joseph Losey et présenté à Cannes en 1976, Mr. Klein s ‘ouvre sur une scène particulièrement glaçante et choquante : l’examen médical auquel doit se livrer une femme afin de déterminer si elle est juive. Considérée et manipulée comme une chose ou un animal d’élevage par un médecin dont la fonction se trouve totalement dévoyée, cette femme qui semble frappée de sidération devra en plus s’acquitter du paiement de cette « consultation » humiliante, dont l’inhumanité éclate à chaque seconde, chaque geste, chaque parole du docteur. En quelques minutes, on se trouve plongé dans une période et un climat terrifiants. Quasiment aucun personnage de cette œuvre impressionnante de maîtrise formelle – photographie de Gerry Fisher et décor d’Alexandre Trauner – ne semble empathique ou ne suscite notre sympathie. Est-ce le climat de l’époque, la nature humaine ? 

Quelques minutes après, nous ferons connaissance avec Robert Klein, interprété par Alain Delon, un riche marchand d’art qui tire profit du départ précipité de juifs qui ont besoin d’argent pour fuir les persécutions et la haine. Recevant un homme joué par Jean Bouise, à qui il achète à vil prix une œuvre d’art, malgré son peignoir, sa demeure cossue et son argent, Robert Klein semble ne pas faire preuve de plus d’empathie. Malgré ses soi-disant scrupules qu’il exprime assez timidement et auxquels son interlocuteur ne semble accorder que peu de crédits. Raccompagnant l’homme à qui il a acheté le tableau, Robert Klein découvre sur son palier un exemplaire du journal Informations Juives adressé à son nom. Intrigué, l’homme décide de mener son enquête. Et commence alors un périple à la fois géographique et intérieur. 

L’une des grandes qualités de Mr. Klein, outre son interprétation exceptionnelle qui comprend bien sûr celle d’Alain Delon, mais aussi de Jean Bouise, Michael Lonsdale, Jeanne Moreau ou Juliet Berto, pour ne citer qu’eux, c’est de réussir la gageure d’être à la fois un film historique et réaliste d’une part, et d’autre part une oeuvre de fiction qui fait plus que flirter avec la métaphysique, l’abstraction. On a affaire à une œuvre réellement unique, un très grand film dont on a beaucoup dit qu’il évoquait et convoquait à la fois Alfred Hitchcock, pour des parallèles avec le film La Mort aux trousses, et l’esprit de Franz Kafka, pour ce fantastique dérangeant, inquiétant qui vient s’immiscer dans le quotidien et qui distille une ambiance délétère, toxique. 

Mr Klein

Concernant les allusions à La Mort aux trousses et Alfred Hitchcock, il y a bien sûr cette recherche d’un double, dont on se demande parfois s’il existe vraiment, cette lettre K comme Klein ou comme Kaplan, le nom du héros joué par Cary Grant. Et puis, cette apparition de Joseph Losey qui rappelle celles du maître du suspens restées célèbres. Pour Kafka, la lettre K renvoie au héros du Procès ou du Château. Tandis que ces personnages de Mr. Klein évoquent parfois des insectes qui se débattent dans des toiles d’araignée ou s’affairent mécaniquement comme dans des fourmilières. 

C’est Alain Delon qui eut l’idée de proposer à Joseph Losey, après la défection de Costa Gavras, la réalisation de ce qui allait devenir l’un  des plus grands films du cinéma français. Ce réalisateur américain, réfugié en Angleterre en raison des persécutions liées au Maccarthysme, signait là un de ces chefs d’œuvre intemporels et atypiques qui marquent durablement les spectateurs. Et Alain Delon trouvait là l’un de ses plus grands rôles. 

Comptant parmi les premiers films de fiction ayant pour thème la France de l’occupation, Mr. Klein ne montre aucun soldat allemand mais des policiers et fonctionnaires français, comme pour mieux rappeler certaines responsabilités dans la mise en œuvre de crimes odieux comme la rafle du « Vél d’Hiv » qui eut lieu les 16 et 17 juillet 1942, c’est à dire il y a quatre-vingt ans jour pour jour. Presque hier.  


De retour en salle le 13 juillet 2022


Actuellement disponible sur Ciné+



%d blogueurs aiment cette page :