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LES AMANDIERS

Fin des années 80, Stella, Etienne, Adèle et toute la troupe ont vingt ans. Ils passent le concours d’entrée de la célèbre école créée par Patrice Chéreau et Pierre Romans au théâtre des Amandiers de Nanterre. Lancés à pleine vitesse dans la vie, la passion, le jeu, l’amour, ensemble ils vont vivre le tournant de leur vie mais aussi leurs premières grandes tragédies.

Critique du film

Patrice Chéreau est une figure majeure tant du spectacle vivant qu’est le théâtre, mais aussi du cinéma. Avec Les Amandiers, du nom du théâtre qu’il dirige de 1982 à 1990, devenant avec lui une scène nationale et non plus une maison de la culture, il devient à son tour un personnage de fiction, joué par Louis Garrel sous la direction de Valeria Bruni Tedeschi. Elle même fut une élève de cette institution, « l’endroit où il fallait être » à ce moment précis pour grandir en tant qu’acteur. On retrouve de futurs grands talents dans cette troupe, d’Agnès Jaoui à Vincent Pérez, en passant par Eva Ionesco ou Thibault de Montalembert. Ces noms connus et reconnus ne sont pas dans le film. La réalisatrice préfère donner un relatif anonymat à ses personnages, se concentrant plus sur l’écriture et la construction d’un collectif de grands talents.

Douze élèves, c’est le petit nombre d’élus suite à la très grande sélection qui est opérée au début du film pour avoir la chance de jouer sous la direction de Patrice Chéreau et Pierre Romans. L’importance de chacun et de chacune amène très logiquement le film à être quelque peu morcelé, apportant un instant de lumière à chaque portrait, condamnant le film à une inégalité propre à cet attelage choral. À ne pas vouloir choisir et à donner du temps à chaque personnage, le film perd en force et en consistance. Garrel intervient assez tard dans le film, laissant la part belle aux jeunes gens qui en sont le cœur et l’objet de tous les regards de la caméra.

La réalisatrice franco-italienne instille à son film une atmosphère très sombre, presque tragique. Un sentiment de mort est omniprésent, alourdissant chaque scène de son empreinte. Une élève attend un enfant de son fiancé décédé, un autre déjà marié à 19 ans apprend que sa femme est atteinte du Sida, menaçant toute la santé du groupe, et le personnage d’Etienne est un feu follet qui menace d’exploser en plein vol à chaque instant, les excès liés à la drogue consumant le peu de vie qu’il semble tenir entre ses mains. Sofiane Bennacer lui prête son talent et son incandescence, pour ce qui est son premier grand rôle, une sorte de double de Patrick Dewaere dont la vie est comme en suspens permanent.

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L’astre noir qu’il compose éclipse beaucoup de ses condisciples, les faisant presque disparaître dans son ombre gigantesque. L’énergie déployée par Nadia Tereszkiewicz pour être la part de lumière d’Etienne, dont elle partage brièvement l’existence, est prodigieuse dès les premiers instants, mais malheureusement bien moins convaincante. Il en est ainsi de la plupart de ces rôles moins exposés, ces compléments de distribution qu’on met au centre de la scène mais peu définis, tout juste bon à montrer que Chéreau nourrissait une passion pour ses acteurs masculins qui allait au delà de la scène de théâtre. Cette inégalité dans l’aura du jeu va de pair avec une atmosphère crépusculaire qui fatigue sur la longueur. Ces jeunes acteurs semblent tous condamnés, brûlant trop vite, mobilisant une énergie à la limite de l’hystérie.

Les moments de pause sont rares, que ce soit à New-York pour recevoir les enseignements de la Lee Strasberg Institute, plus connu sous le nom d’Actor’s Studio, ou dans les répétitions de Platonov que Chéreau monte avec eux pour une première donnée en 1987. L’absence, ou le manque d’alternance de rythme, coûte au film qui se brûle de trop à vouloir courir si vite à chaque instant. Il n’en reste pas moins fascinant dans ce qu’il dit de ces années 1980 et de cette envie dévorante de jouer pour une génération de surdoués. Aucun d’entre eux n’est là pour préparer un avenir ou une carrière, l’urgence de jouer et de faire quelque chose dans une immédiateté troublante est en filigrane de chaque instant de l’histoire.

Les Amandiers est une épreuve physique qui recueille la dureté de la décennie qui l’abrite. Si l’on regrette certaines ruptures de ton qui auraient été bénéfiques au rythme du film, on ne peut que lui reconnaître une certaine réussite dans la narration de la construction d’une troupe qui a depuis gagné ses lettres de gloire et marqué son époque, plaçant Les Amandiers de Chéreau comme la place forte de la création théâtrale de son temps.

Bande-annonce

16 novembre 2022De Valeria Bruni Tedeschi, avec Louis Garrel, Micha Lescot et Nadia Tereszkiewicz.


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