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THE HAUNTING OF HILL HOUSE | Cathédrale de l’horreur

Qui ?

Réalisateur efficace de plusieurs séries B (The Mirror, Pas un bruit, Ne t’endors pas, Ouija : les origines) ainsi que d’une intéressante adaptation d’un roman de Stephen King (Jessie), l’américain Mike Flanagan revient en tant que créateur, réalisateur et co-scénariste de The Haunting of Hill House. Semblant disposer d’une liberté de création et de moyens plutôt confortables, il peut ici déployer toute l’ampleur de son talent afin de nous raconter cette sombre histoire, librement adaptée du roman The Haunting (1959) de Shirley Jackson, référence incontournable de la littérature fantastique américaine.

La série présente un casting solide, familier, pour une partie, du cinéma de Flanagan : Michael Huisman (Game of Thrones), Carla Gugino (Entourage, Californication, Jessie), Timothy Hutton (Leverage, The Ghost Writer, Tout l’argent du monde), Elizabeth Reaser (Grey’s Anatomy, Twilight, Ouija : les origines), Kate Siegel (The Mirror, Pas un bruit, Ouija : les origines, Jessie), Oliver Jackson-Cohen (qui a joué en 2013 le rôle de Jonathan Harker dans la série Dracula de la NBC) et Victoria Pedretti (que l’on retrouvera dans Once Upon a Time in Hollywood, le prochain film de Quentin Tarantino).

Quoi ?

Durant l’été 1992, Hugh et Olivia Crain, ainsi que leurs enfants, Steven, Shirley, Theodora, Luke et Eleanor, s’installent à Hill House, un vieux manoir qu’ils entendent rénover afin de le revendre dans la foulée avec une plus-value. Mais en raison de plusieurs circonstances étranges, la famille est obligée de rester plus longtemps que prévu, et devient la proie d’effrayants phénomènes paranormaux, aboutissant au décès tragique d’Olivia. Vingt-six ans plus tard, la tragédie frappe de nouveau la famille, qui se voit forcée une nouvelle fois d’affronter l’horreur de Hill House.

Quand ?

La série est disponible sur Netflix depuis le 12 octobre 2018.

Pourquoi ?

The Haunting of Hill House est construite comme une cathédrale. Extrêmement ambitieuse, la série déploie tout d’abord un armada d’icônes horrifiantes et fantomatiques qui donne un premier effet de vertige, tant il apparaît petit à petit que cette étrange maison semble avoir engloutit bon nombre d’âmes, véritable antichambre de l’au-delà, et réceptacle symbolique des traumas et souffrances de l’Humanité.

Face à ce carnaval de fantômes, se trouve la famille Crain, victime de l’horreur d’Hill House, qui leur colle à la rétine de l’esprit et qui ne compte pas les lâcher jusqu’au moment des « retrouvailles ». En dix épisodes, Mike Flanagan arrive habilement à insuffler une ampleur dramatique folle au travers de ses personnages principaux, rappelant, toute proportion gardée, l’intensité et l’émotion de la série Six Feet Under. Le dispositif faisant faire un allez-retour entre deux époques au spectateur, semblable à celui du roman Ça (1986) de Stephen King, produit un second effet de vertige, car pliant la force du temps à l’horreur d’une tristesse indélébile.

Quoi qu’ils puissent faire, les enfants Crain ne pourront échapper bien longtemps à Hill House. Cela pourra prendre cinq, dix ou vingt ans, ils savent qu’ils devront retourner à la source de ce passé qui ne passe pas, et qu’ils n’en sortiront pas indemnes. L’horreur, c’est aussi le retour du même, de ce « Mal » qu’on ne peut jamais vraiment enrayer, et qui resurgit, au coin d’une vie, sous la forme qui nous fait le plus souffrir. Sublimés par l’interprétation des actrices et acteurs, les personnages de The Haunting of Hill House sont la source d’une richesse dramatique qui nous fait prendre conscience, une nouvelle fois, de la puissance que peut avoir le format sériel, lorsqu’il est judicieusement utilisé.

Enfin, la mise en scène de Mike Flanagan constitue le troisième effet de vertige retenu ici, tant elle use intelligemment de la liberté qui lui a été concédée. Du début jusqu’à la fin, nous regardons partout sur l’écran si un fantôme ne se cache pas derrière la porte ou sous la table. Cette tension constante, cette pérennité de l’horreur qui, notamment depuis Stephen King, n’est plus reléguée à l’obscurité de la nuit, est sans doute l’un des plus grand achèvement de la série. Car finalement, l’horreur, c’est aussi cet état de vigilance, quasiment paranoïaque, qui nous conduit à être alerte au moindre bruit, à la moindre brise, ainsi qu’au moindre mouvement d’ombre, quand bien même n’y aurait-il rien dans la pièce. L’horreur n’a même pas besoin de fantômes pour se déployer, la force de projection de notre esprit lui suffit.

Chaque épisode est maîtrisé, et la série ne sombre jamais dans le pot-pourri chaotique et multi-autoréférencielle à la American Horror Story. De l’horreur cyclique et rétrospective de l’épisode cinq aux sublimes plans-séquences de l’épisode six, The Haunting of Hill House propose une incroyable variation de formes, ayant toutes pour thème la relativité du Temps, tantôt cyclique, tantôt interpénétré par plusieurs époques, faisant communiquer les peurs enfantines avec les traumas des adultes. Sublime.




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