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LES HARMONIES WERCKMEISTER

Le pays est en proie au désordre, des gangs errent dans la capitale. Valushka, un postier, s’extasie sur le miracle de la création et se bat contre l’obscurantisme. Dans un café, il tente d’entraîner les clients ivres dans ses visions cosmologiques, puis, à travers la ville, chez Monsieur Eszter, un vieil homme occupé à accorder un piano pour retrouver l’harmonie du clavecin qui a été brisée par l’invention Werckmeister.Un mystérieux cirque est installé sur la grande place où la foule muette se rassemble.Valushka court sous un ciel de plomb, le vent souffle, on est en novembre et c’est déjà l’hiver, le brouillard se répand, plus épais que jamais, la lumière est glacée, brutale, irréelle, les rues couvertes de détritus, les immeubles délabrés, des vitrines ont été brisées ; plus de médecins, plus d’écoles, l’heure du Jugement dernier serait-elle arrivée ?

Critique du film

Neuvième film de Béla Tarr, Les Harmonies Werckmeister, réalisé en 2000 adapte le roman La Mélancolie de la résistance, ouvrage de Laszlo Krasznahorkai, déjà auteur de scénarii pour d’autres films du réalisateur – Damnation, Satantango – et nous plonge dans un univers inquiétant, paranoïaque et cauchemardesque. Dans un petit village de Hongrie, à une époque indéterminée – ça pourrait se passer juste après la seconde guerre mondiale, ou aujourd’hui ou dans un futur proche – une atmosphère oppressante envahit l’ensemble des habitants. Des actes de vandalisme, des agressions ont lieu, terrorisant une partie des habitants. Et lorsqu’arrive en ville un mystérieux cirque, proposant le spectacle d’une baleine gigantesque, les événements semblent prendre encore plus d’ampleur. Janos, un jeune postier va être le témoin des bouleversements que va connaître sa ville et des déferlements de violence qui vont s’abattre sur la communauté.

Débutant par une scène d’ouverture étonnante – le jeune Jnaos organise dans un bistrot un étonnant ballet avec des ivrognes, reproduisant les mouvements des planètes – Les Harmonies Werckmeister serait selon Béla Tarr lui-même un conte de fées romantique. Affirmation qui peut paraître étonnante, tant on est plongé dans une histoire très sombre, pessimiste. Pourtant, avec ses majestueux mouvements de caméra, ses long plans séquences et ses travellings, cette œuvre à la fois poétique et fantastique constitue une véritable expérience cinématographique, mais aussi sensorielle et même spirituelle. Si l’on accepte le rythme particulier propre aux films de Béla Tarr, on se trouve vite happé par le charme vénéneux de l’œuvre, hypnotisé par le déroulement de scènes plus étranges les unes que les autres. 

Le long-métrage de Béla Tarr transcende, par ses images, son montage et son esthétique sublime, toutes nos angoisses métaphysiques et la précarité intrinsèque de nos existences. On est à la fois glacé d’effroi et envoûté par la beauté de la réussite artistique. Le spectateur est terrorisé par la foule, la meute et plein d’empathie pour Janos, trop innocent pour en sortir indemne. On tremble pour lui, pour l’humanité qui semble si fragile face à la barbarie, la sauvagerie – incroyable scène d’un saccage d’un hôpital. Enigmatique, mystérieux, Les Harmonies Werckmeister, comme les autres réalisations de Béla Tarr, ne semblent pas près de livrer tous ses secrets. 


Bénéficiant d’une restauration 4K, Les Harmonies Werckmeister sont visibles au cinéma dès le 15 novembre. Il s’agit d’une réédition organisée par Carlotta Films, qui par ailleurs propose également ce film dans le coffret Blu-Ray, Béla Tarr le Maître du temps, avec trois autres films : Le Nid familial, L’Outsider et Damnation. Ce coffret Carlotta Films est sorti depuis le 7 novembre.



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