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LE ROYAUME DES ABYSSES

Shenxiu, une fillette de 10 ans, est aspirée dans les profondeurs marines durant une croisière familiale. Elle découvre l’univers fantastique des abysses, un monde inconnu peuplé d’incroyables créatures. Dans ce lieu mystérieux émerge le Restaurant des abysses, dirigé par l’emblématique Capitaine Nanhe. Poursuivis par le Fantôme Rouge, leur route sera semée d’épreuves et de nombreux secrets. Leur odyssée sous-marine ne fait que commencer.

Critique du film

« À tous ceux qui traversent des périodes sombres. » Le message entre les deux génériques de fin  du Royaume des Abysses est on ne peut plus équivoque. Malgré sa tempête multicolore, difficile de conseiller le long-métrage de Tian Xiaopeng aux tout petits. Son héroïne, Shenxiu, est attristée depuis des années par le départ de sa mère dont elle n’a jamais réussi à se remettre. Aspirée dans un monde aquatique grouillant de vie, elle doit se frayer un chemin au milieu des créatures fantastiques et, surtout, de ses idées noires.

L’ouverture du film évoque indéniablement l’esthétique Miyazakienne, et l’empreinte du maître de l’animation japonaise perdure tout au long du film. La plongée soudaine d’un enfant endeuillé dans un monde parallèle rappelle forcément Le Garçon et le Héron, tandis que le fonctionnement et les habitants du navire forcent la comparaison avec Le Château Ambulant et, surtout, Le Voyage de Chihiro. Le récit développe son périple onirique en multipliant les références à Miyazaki, mais déploie sous nos yeux une expérience visuelle hors norme.

Le Royaume des Abysses multiplie les coups d’éclat et les plans inspirés pour nous emporter dans son tourbillon de couleurs. Parfois légèrement comparable à la folie visuelle de Spider-verse, parfois plus proche de l’univers cauchemardesque et gélatineux de Little Nightmares, le film de Tian Xiaopeng parvient à créer sa propre identité et à bluffer constamment son spectateur, inévitablement estomaqué devant une telle prouesse d’animation. L’océan grouille de vie, entre adorables créatures et menace gélatineuse repoussante constamment magnifiée par le travail d’animateurs remarquables.

le royaume des abysses

Le bateau ambulant

Si le récit rêveur du Royaume des Abysses donne parfois une désagréable impression de déjà-vu, son animation provoque l’effet inverse. Après les Spider-verse, Le Chat Potté 2 et Le Garçon et le Héron, cette sensation de jamais-vu est pourtant de plus en plus rare. Mais les 1 478 personnes qui ont travaillé sur ce projet ont bel et bien réussi à offrir une proposition unique. Alors que cet arc-en-ciel quasi-permanent pourrait faire craindre une saturation oculaire, il n’en est rien. 

Le Royaume des Abysses parvient à continuellement réinventer son style, notamment lors des scènes d’épouvante où l’ombre rouge – antagoniste du film – pourchasse l’héroïne mélancolique. Et lorsque l’on pensait avoir tout vu, voilà qu’un film en 2D se lance dans le film, affichant une multiplication des styles bienvenue. S’inspirant de peintures à l’encre de Chine, Tian Xiaopeng est parvenu, pour son deuxième long-métrage, à faire des profondeurs qu’il explore un monde dont on voudrait jamais repartir.

Les sept ans nécessaires pour mener à bien ce projet transparaissent dans chaque plan, regorgeant de détails qui ne demandent qu’à être réétudiés lors d’un autre visionnage. La profondeur de la 3D permet au cinéaste de développer toutes ses idées sans autre limites que celles fixées par son imagination débordante. Le Royaume des Abysses doit se regarder sur le plus grand écran possible pour en capter toute l’immensité.

le royaume des abysses

Vers un avenir radieux

Si la grandeur du Royaume des Abysses se situe sans conteste dans son déploiement perpétuel d’animation grandiose, sa principale faiblesse réside dans son récit. Ce dernier est parfois oublié au profit des dessins, ou tout simple bien moins inspiré que ces derniers. La pauvre Shenxiu est soumise à trop de défis pour qu’on y croit réellement. Son histoire larmoyante réussit rarement à frapper juste, à l’exception d’un dernier acte particulièrement inspiré.

Toutes les bonnes idées du film émanent finalement de l’écran, et quasiment aucune ne provient des dialogues entre les personnages. L’ombre rouge, qui cherche une cible endeuillée et mélancolique pour répandre la tristesse comme un virus, témoigne par exemple d’une inventivité remarquable du cinéaste et de son équipe. À l’inverse, Nanhe, l’allié improbable de notre héroïne, n’est jamais aussi insupportable que lorsqu’il parle, notamment pour rappeler à Shenxiu que sa vie n’est qu’un enchaînement de problèmes, avant de lui délivrer un message un peu trop naïf pour être crédible. Il est bien plus touchant par ses expressions et ses actes que par ses paroles.

Cependant, lorsque Le Royaume des Abysses dévoile ses allures de maison hantée, dans laquelle tristesse et dépression hantent les moindres recoins, il touche au plus profond. Son message optimiste a certes été souvent vu dans d’autres longs-métrages d’animation, mais il a rarement (jamais ?) été aussi visuellement inspiré. Le Royaume des Abysses est une invitation à rêver, mais surtout à se réveiller. Sa conclusion intime contraste à la perfection avec la grandeur visuelle du long-métrage et nous incite à replonger dans sa tornade de couleurs.

Bande-annonce

21 février 2024 – De Tian Xiaopeng


Le Festival Ciné Junior se tient du 24 janvier au 6 février 2024 dans 60 lieux partenaires répartis dans 27 villes du Val-de-Marne et 15 villes en Ile-de-France.



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