L’Homme de la cave – visuel 1 – ©Caroline Bottaro

L’HOMME DE LA CAVE

A Paris, Simon et Hélène décident de vendre une cave dans l’immeuble où ils habitent. Un homme au passé trouble, Jacques Fonzic, l’achète et s’y installe sans prévenir. Peu à peu, sa présence va bouleverser la vie du couple.

Critique du film

“Les hommes ont confiance en un homme ordinaire parce qu’ils ont confiance en eux-mêmes” affirmait Gilbert Keith Chesterton. De façon simple mais extrêmement juste, il posait là les bases du mécanisme plus général de l’excès de candeur, auquel chacun d’entre nous est amené à se confronter un jour – de même qu’à ses conséquences plus ou moins néfastes dès lors qu’il nous révèle brutalement combien la prudence est, non pas mère, mais plutôt auxiliaire de sûreté.

Filant la thématique tout au long de ce dixième long-métrage, et en le sous-titrant de manière équivoque par la phrase ‘”au début, il ne dérangeait personne…”, Philippe Le Guay ne prendra ainsi personne au dépourvu : L’Homme de la cave contraste radicalement avec la hauteur des Femmes du 6ème étage et la jovialité de Normandie Nue, allant jusqu’à retrouver François Cluzet pour camper cette figure trouble qui inquiétera les sous-sols d’un immeuble haussmannien.

ETRANGE DEBARRAS

Inspiré par une histoire réelle, le réalisateur aura mis dix ans pour trouver la façon dont il raconterait l’histoire de ce couple ayant, sans se méfier, vendu leur cave à un individu qui se révèle être un vecteur du mal à l’état pur. Par le biais de réécritures et d’ajouts d’enjeux fictionnels, Philippe Le Guay aura cherché à trouver l’équilibre entre rester fidèle au venin d’un homme gangrenant progressivement tous ceux qui l’approchent, tout en prenant de nécessaires distances avec le drame vécu par ses proches.

Si la volonté est louable, le résultat peine à trouver une véritable cohérence tant les sujets s’enchevêtrent les uns avec les autres en étant pour certains trop effleurés. Du combat premier dans lequel se lancent Simon et Hélène Sandberg pour faire annuler la vente de la cave, on passe successivement des révélations quant à l’historique des murs de leur propre appartement à la remise en cause de leur légitimité en tant que propriétaires. Un dernier point qui aurait mérité d’être le véritable cœur battant du film, tant l’expropriation totale et systématique des juifs durant la Seconde Guerre Mondiale est un sujet méconnu.

L'Homme de la cave

Pourtant, la réalisation de Philippe Le Guay ne manque ni de propositions, ni de symbolismes réfléchis et pertinents. Qu’il s’agisse de l’aspect lisse de la copropriété qui se fissure à mesure que Jacques Fonzic quitte sa cave pour devenir un membre à part entière de la communauté de l’immeuble, ou du dégât des eaux dont les moisissures vont se propager dans l’appartement des Sandberg comme métaphore de la contamination du discours de haine, tous les éléments sont présents mais immédiatement gâchés par des éléments de dialogues maladroits ou des choix musicaux composés avec trop d’emphase pour être totalement appropriés.

De même, le film peut compter sur la qualité de sa distribution. La grande justesse du jeu de François Cluzet donne au personnage de Jacques Fonzic toute la dimension d’une cellule cancéreuse, sorte de source radioactive qui irradie petit à petit tout son entourage. Face à lui, Jérémie Renier propose une nouvelle performance toute en nuances – campant tantôt un père de famille plein d’empathie et dont la bienveillance le conduit d’abord à s’indigner de la situation de Fonzic, tantôt un homme aux nerfs mis à vif qui se laisse rattraper par des démons internes qui rejaillissent au contact d’un adversaire qui n’a rien à perdre. Au milieu, Bérénice Béjo réussit à incarner une femme touchée plus viscéralement encore par la haine antisémite que son mari dont elle ne partage pourtant pas la religion.

Malgré ces quelques qualités, et souffrant tant de son écriture chaotique que d’une volonté trop appuyée de verser dans plusieurs registres à la fois, L’Homme de la cave ne réussit dès lors pas à s’extirper d’un sentiment général de gâchis.

Bande-annonce

13 octobre 2021De Philippe Le Guay
avec François Cluzet, Jérémie Renier et Bérénice Béjo