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BILAN | Les meilleurs films d’avril 2025

CHAQUE MOIS, LES MEMBRES DE LA RÉDACTION VOUS PROPOSENT LEUR FILM PRÉFÉRÉ LORS DU BILAN DU MOIS, CELUI QU’IL FALLAIT DÉCOUVRIR À TOUT PRIX EN SALLE OU DANS VOTRE SALON (SORTIES SVOD, E-CINEMA…). DÉCOUVREZ CI-DESSOUS LES CHOIX DE CHAQUE RÉDACTEUR DE LE BLEU DU MIROIR POUR LE MOIS DE AVRIL 2025.

Le choix de François-Xavier Thuaud

J’ai commencé par tomber amoureux de la photographie de Harvest, en particulier des couleurs, les bleus horizons, rouges garance. Puis j’ai aimé l’obscurité qui permet au spectateur de cinéma (sur les petits écrans, c’est foutu) de faire son miel de l’indistinction. J’ai aimé que Walter dise de son amoureuse : je ne sais même pas si on peut dire qu’on est amis. Walter est ce personnage bon mais nul. Il sent le piège mais ne sait pas s’y opposer. Sa coupable apathie, au milieu de cette terre d’Écosse perdue au fin fond du XVIe siècle, il n’est pas difficile de la faire nôtre. Le piège, c’est la sempiternelle faculté que nous avons de nous tromper d’ennemi. Faire corps pour repousser l’étranger et courber l’échine devant le maître (le propriétaire ou le patron). Le traître et le miséricordieux sont un. Le western ne finira jamais de mourir, il est le chemin le plus court entre le paysage et la morale. Le plus beau aussi.

Le choix de Gregory Perez

Guillaume Brac filme l’adolescence comme on retient un souffle avant l’élan : avec une douceur infinie et la conscience que tout peut basculer. Dans Ce n’est qu’un au revoir, puis Un pincement au cœur, il capte la vibration fragile de l’âge des premières séparations, des amitiés qui se cherchent et des convictions naissantes. Il ne cherche pas l’effet, encore moins le drame. Sa mise en scène laisse parler les silences, les regards fuyants, les gestes maladroits mais pleins de sincérité. Chez ces lycéens qu’il suit au fil des jours – dans un internat ou sur les chemins d’un avenir incertain – il filme moins des trajectoires que des personnalités qui s’affirment, des corps en mutation, des voix qui hésitent, des rêves encore informes mais brûlants d’envie. Brac n’a pas besoin de souligner ce qui se joue, il observe, il accueille. Et c’est dans cette attention fine à l’instant que naît l’émotion. Le temps s’étire, suspendu entre l’enfance qui se retire et le monde adulte qui frappe déjà à la porte. Il en ressort une humanité profonde, pudique, qui bouleverse sans appuyer. Ce diptyque, loin d’un simple carnet de souvenirs, devient alors un hommage à la beauté de ce qui se transforme. Il nous rappelle que grandir, c’est aussi apprendre à dire au revoir sans tout perdre, à aimer sans tout comprendre.

Le choix de T. P.

her story

L’une des grandes réussites d’Her Story réside dans sa manière de traiter la thématique de l’émancipation féminine sans tomber dans la moralisation ou la mièvrerie. Jamais la réalisatrice ne cherche à enfoncer des portes ouvertes, offrir des réponses toutes faites. Sublimant le lien de sororité qui unit les personnages féminins, le film illustre merveilleusement comment Wang et Xiao Ye tentent de trouver leur chemin vers l’affirmation et développe une critique subtile du narcissisme masculin, montrant les travers des hommes par le prisme de ceux qui gravitent autour d’elles, sans pour autant tomber dans la caricature gratuite de la masculinité. Une comédie dramatique rafraîchissante et pertinente, qui allie avec brio le divertissement à la réflexion sur les rapports de genre.

Le choix de Theo Karbowski

Derrière ses personnages au timing comique toujours parfait et plutôt grandes gueules, le long-métrage d’Alonso Ruizpalacios est loin de n’être qu’une comédie culinaire endiablée. Le choix du noir et blanc nous fait vite comprendre que la cuisine ne sera jamais magnifiée, elle n’est qu’un décor, un prétexte pour afficher le cheminement éreintant de toutes ces personnes coincées entre un travail épuisant, un pays d’origine sans perspective d’avenir et une société étasunienne désireuse de leurs mains mais pas tellement d’eux en tant qu’individu. Les cultures se mélangent au sein de l’espace confiné de The Grill, pourtant l’humain ressort toujours face à des situations de plus en plus indigestes. C’est en réalité dans sa justesse des représentations que le film brille, toutes les minorités ont leur place au sein de la cambuse grouillante du restaurant New Yorkais, pour le meilleur et pour le pire mais surtout pour s’en sortir.

Le choix de Simon Besnard

Dans Tardes de Soledad, Albert Serra filme un roi isolé dans une cour aride et violente. Roca Roy, le matador péruvien faisant office de protagoniste au documentaire, remet sa couronne en jeu à chaque fois qu’il remet les pieds dans l’arène. Si la sophistication très prononcée des scènes laisserait deviner une certaine complaisance du réalisateur envers cette discipline, l’enchaînement étourdissant de scènes dépeignant une masculinité ultra-virilisée et pathétique tend plutôt à gommer toute trace de noblesse dans la tauromachie, malgré le décorum qui l’accompagne.