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THE SADNESS

Après un an de lutte contre une pandémie aux symptômes relativement bénins, une nation frustrée finit par baisser sa garde. C’est alors que le virus mute spontanément, donnant naissance à un fléau qui altère l’esprit. Les rues se déchaînent dans la violence et la dépravation, les personnes infectées étant poussées à commettre les actes les plus cruels et les plus horribles qu’elles n’auraient jamais pu imaginer…

Critique du film

Virus, pandémie, immunité, vaccin… Ces mots-là sont désormais connotés d’une réalité bien concrète dans l’imaginaire collectif. Dans The Sadness, on découvre un quotidien taïwanais où la population s’est habituée aux annonces médiatiques, désormais déterminée à laisser la vie reprendre son cours. Le prologue nous présente ainsi un jeune couple, Kat et Jim, alors qu’il ouvre les paupières quelques minutes avant que le réveil ne sonne. À la tendresse de cet instant suspendu succèdent les premières discussions pratiques et l’évocation de vacances imminentes. Dans un pays où les congés payés sont bien moins nombreux qu’en Europe, la frustration ne tarde pas à arriver lorsqu’un imprévu contrarie les plans de la jeune femme et met en péril la perspective d’une parenthèse régénératrice. Peu de temps pour s’apitoyer, son compagnon la dépose à l’arrêt de métro avoisinant, avec un petit mot prévenant. À peine séparés, les ennuis commencent et que le chaos s’empare de leurs vies.

La lanceur d’alerte sur Youtube avait visiblement raison. Le virus est en train de subir des mutations inquiétantes qui infligeraient des dégâts plus proches de la rage que de la grippe. Sur le chemin du retour, Jim s’autorise une pause afin de prendre un café à emporter. Alors qu’il patiente pour récupérer son breuvage caféiné, il assiste à une scène de terreur où les clients – puis les passants – s’agressent sans explication avec une violence inouïe. Terrorisé, il s’enfuit pour se cloîtrer chez lui et avertir sa compagne mais son voisin, souffrant depuis quelques jours, l’attaque à son tour. De son côté, Kat est importunée par un senior insistant qui ne tarde pas à lui signifier son attirance, avant qu’un voyageur ne se mette à poignarder les passagers de sa rame dans un bain de sang sidérant. Un tsunami de violence inonde la ville et la brutalité se répand dans les rues comme dans les transports en commun. Séparés, les deux amoureux devront survivre et s’efforcer de se retrouver dans ces circonstances quasi apocalyptiques.

The Sadness

La rage se propage. Emeutes et hystérie collective, actes de barbarie presque insoutenables, l’infection semble libérer les instincts les plus primaires et les plus abjects. Torture, sadisme, sévices sexuelles, morsures très graphiques. Le désastre a totalement pris de court les autorités et dévaste la civilisation en un rien de temps. « Mon objectif était surtout d’en arriver à un point où des personnes peuvent faire des choses atroces à d’autres personnes.» Le virus n’est finalement qu’un prétexte dont s’empare le réalisateur Rob Jabbaz pour donner chair à son exposé sanglant des pires atrocités humaines, assumant sa violence graphique extrême. Mais son bal des horreurs embrasse tellement le grand guignolesque qu’il en devient grotesque et péniblement gratuit. Ses protagonistes souffrent. Outrageusement. Au-delà des blessures et autres amputations dont le cinéaste nous gratifie, ce sont les sévices psychologiques qui paraissent les plus appuyés et, ainsi, les plus malvenus.

Se cachant derrière l’argument de vagues touches d’ironie afin d’installer une distance qui permettrait à son audience de ne pas prendre sa proposition au sérieux, Jabbaz fait de The Sadness un spectacle nauséeux et complètement vain, où la violence semble traitée avec une désinvolture presque aussi agaçante que le cynisme trompeur avec lequel il essaie d’observer les maux de la société contemporaine. On sent son auteur jubiler de ses outrances frontales, s’amuser de l’ère #MeToo avec détachement, pendant que le spectateur mesure l’étendue des dégâts, au mieux circonspect, au pire atterré devant tant de jouissance malsaine à maltraiter les corps et les âmes, jusqu’à un épilogue repoussant les limites du sadisme émotionnel.

Bande-annonce

6 juillet 2022 – De Rob Jabbaz, avec Regina LeiBerant Zhu




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