the last girl critique

THE LAST GIRL – CELLE QUI A TOUS LES DONS

À dévorer

Alors que la grande majorité de l’humanité a sombré à une infection fongique qui l’a transformée en horde de zombies affamée, le Dr. Caroline Caldwell et la professeur Helen Justineau tentent de trouver un remède grâce à une jeune élève spéciale atteinte du virus : Mélanie.

Génération zombies.

En 2017, les zombies ne sont pas exactement dans leur meilleur état de fringale. Qu’il semble loin, le temps où ils sortaient à peine de tombe, passant de figures folkloriques horrifiques à horde sociale mordante sous l’ère Romero. Depuis, une période de vaches maigres, puis un sursaut culturel rapidement transformée en épidémie marketing. Des zombies, les années 2000 s’en sont bouffés jusqu’à en avoir la nausée, tous médiums confondus. Personne ne peut sciemment déclarer ne pas avoir connaissance de la série The Walking Dead, du film World War Z dont Fincher va reprendre le flambeau à la surprise générale, des jeux vidéo Call Of Duty dont le DLC zombie est une constante de chaque opus. Rien que dans ces trois formats, il existe des dizaines, voire des centaines de variations, et c’est sans compter la horde littéraire, BD et comics qui attend à l’orée du bois. L’idée n’est absolument pas de taper à l’aveuglette sur nos amis les zombies, ni de réduire le spectre culturel aux trois franchises douteuses citées plus haut, mais de pointer un constat : face à l’avalanche de contenus centrés sur les morts-vivants, difficile de ne pas ressentir comme un trop-plein. Un sentiment de lassitude, voire d’exaspération.

Pourtant, bien avant de lancer quelque postulats que ce soit, une donnée primordiale devrait suffire à attiser notre curiosité à propos de The Last Girl – Celle qui a tous les dons : le film est britannique. L’outre-Manche sait tirer son épingle du jeu dans le zombie-game, en variant les plaisirs qui plus est. Du culte et comique Shaun Of The Dead à l’efficace 28 Days Later, en passant par une série méconnue mais récompensée aux BAFTA, In The Flesh, certaines créations sont réjouissantes. Ici, le réalisateur, Colm McCarthy est effectivement écossais. Son précédent long-métrage Outcast n’a toutefois reçu qu’un accueil extrêmement froid malgré une belle brochette d’acteurs (Kate Dickie, Karen Gillan et James Nesbitt). Bille en tête, l’effronté nous refait le coup du casting alléchant pour The Last GirlVisez plutôt. Voilà deux noms que personne ne citerait d’instinct dans un film de genre, avec Gemma Arterton et Glenn Close. Ajoutons-y un acteur sérieux et polyvalent, Paddy Considine. L’inconnue de cette équation pour l’instant bien solide, c’est la toute jeune Sennia Nanua qui signe là son premier long-métrage avec un sacré fardeau : porter le film sur ses fines épaules.

Un film de zombies avec un cerveau

Colm McCarthy ruse. En adaptant le livre Celle qui a tous les dons de M. R. Carey, il sait pertinemment que les milliers d’images préfabriquées de l’ensemble des créations zombifiées ont bâti dans l’imagination collectif du grand public des fondations quasi-inamovibles. Plutôt que de s’évertuer à réinventer la roue, The Last Girl prend le pari du chemin inverse : dénouer, fil après fil, la pelote post-apocalyptique pour mieux jouer avec la matière, plutôt que de tricoter un énième pull de Noël tout moche qui ressemble à tous ceux qu’on a reçus les années précédentes. Et ça marche. Le film prend le pari de sauter les deux pieds joints dans sa narration, quitte à dérouter le spectateur. Il faut même patienter un peu avant d’observer la moindre paire d’yeux vides ou entendre le moindre grognement. On distingue bien comme un murmure chaotique derrière les épaisses couches de terre et de béton, celui du tumulte de sang, de cerveau éclaté et de membres décharnés, mais il est volontairement réglé à un minime difficilement percevable. À tel point que finalement, on ne se demande pas si on l’invente nous même à force d’y être habitués.

Quoiqu’il en soit, les clefs du film sont très tôt donnés à un tandem à l’empathie immédiatement palpable, le duo Helen Justineau / Mélanie (Arterton / Nanua). L’enseignante et la jeune fille laissent rapidement apparaître une complicité touchante, mais interdite. Dans cette intrigante classe primaire, les enfants sont littéralement attachés et muselés car porteurs d’un virus agressif. Grâce à un petit tour de passe-passe médical, ils peuvent se comporter comme des gamins ordinaires, mais attention : à la moindre exposition d’une chaire non protégée, les pulsions se réveillent et les p’tits monstres viennent vous croquer. Maligne au moins autant que le spectateur, Mélanie s’y synchronise. Elle comprend son environnement, ses enjeux et bientôt ses failles en même temps que lui, jusqu’à, enfin, découvrir le monde extérieur. Un sentiment de force permis par la prestation XXL de Sennia Nanua, éclatante de talent et de polyvalence, autant par la faculté de The Last Girl à privilégier un fil rouge dramatique plutôt qu’horrifique.

Dès le moment où les protagonistes se retrouvent à l’air libre, The Last Girl perd un brin de son originalité scénaristique en se métamorphosant en un survival classique, où un objectif classiquement éloigné et hypothétique suffit à raviver l’espoir du sauvetage et du salut. La bande s’agrémente du Dr. Caroline Caldwell (Glenn Close), médecin en chef cynique, et du Sergent Eddie Parks (Paddy Considine), militaire fataliste. S’enchaînent des phases d’action qu’on imagine mal, même face au déni de Colm McCarthy, ne pas être inspirées du jeu vidéo The Last Of Us : heureusement, la référence est sûrement la meilleure de l’attirail vidéo-ludique et les zombies sont menaçants sans tomber dans la surenchère. Ces phases sont ponctuées de respirations narratives, au détour d’un feu léger ou d’un abri de fortune. Des décors habituels pour des situations qui appellent le déjà-vu, mais dont la bande originale de l’excellent Cristobal Tapia de Veer (Utopia, Dirk Gently) et le sens caché permettent de se démarquer de la concurrence et justifient les quasi 120 minutes de film.

Dissimulés jusque là par les cris, les râles et les balles, l’enjeu profond de The Last Girl se dévoile dans une dernière demi heure bien plus calme que son second acte. Elle se concentre, lentement mais sûrement, vers une vision de l’apocalypse bien à elle. Traditionnellement utilisée dans le genre comme la fin de tout, la fin des temps se traduit ici par la fin d’un temps. Celui des adultes, dont les causes des actes de destruction (avidité, capitalisme et écologie, pour faire très simple) sont tues face au poids de leur fatale conséquence. Où l’on déplie un monde irrémédiablement fracturé dont le sauvetage n’a déjà plus lieu d’être. Un monde fait d’inconnu, d’instinct et de survie. Dans The Last Girl, il est déjà trop tard pour sauver le phénix : le sujet du film tient plutôt dans la beauté cendrée de ses braises. Dans tous les cas, avec ou sans les adultes, quelques soient les conséquences des actes des figures paternelles et maternelles précédentes, quelque soit le conservatisme d’apparat auquel on s’accroche, le monde appartient à la nouvelle génération. Et cette génération croquera dedans avec toute la dalle du monde.

La fiche

the last girl affiche

THE LAST GIRL – CELLE QUI A TOUS LES DONS
Réalisé par Colm McCarthy
Avec Sennia Nanua, Gemma Arterton, Glenn Close…
Grande-Bretagne – Drame, thriller horrifique
Sortie : 28 juin 2017 
Durée : 112
 min 




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