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SÉLECTION | Les films à découvrir en 2024

L’exercice consacré à lister des attentes pour l’année à venir est traditionnellement un moment subjectif, lié intimement aux convictions de celui qui choisit, rédige et fait partager sa sensibilité. Les films que nous vous proposons ne sont donc en rien une représentation exhaustive de tout ce qu’il faut voir en 2024, ni même une image précise des sorties à venir, mais bien les longs-métrages qui ont retenu notre attention, déroulant les grandes sensations des festivals de 2023, et les premières tendances pour les inédits qui correspondent à notre grille de lecture. Certains ont déjà une critique sur le site, d’autres sont de vrais paris au milieu de l’incertitude qui plane sur un millésime qui doit succéder à une grande année de cinéma.

Le premier trimestre est porteur de nombreuses promesses de qualité, avec une vague de films issus de la dernière Berlinale et de la Mostra de Venise de septembre dernier. Dès le 17 janvier, c’est le merveilleux Pauvres créatures de Yorgos Lanthimos qui s’annonce en salle, avec une nouvelle collaboration entre le réalisateur grec et Emma Stone. Cette réinterprétation du mythe de la créature de Frankenstein contient toute la folie du cinéma de Lanthimos, avec une douceur et un charme particulier qui pourraient conquérir même les spectateurs les plus hostiles aux précédents films de l’auteur de La Favorite.


En provenance de la Mostra également, on retrouve Bertrand Bonello sur un projet ambitieux, La bête, avec Léa Seydoux dans le premier rôle. Après trois films plutôt « mineurs », le réalisateur de Saint-Laurent propose une histoire complexe, qui jongle entre les époques, mélange des éléments de science-fiction, de drame et d’horreur pour créer un ensemble enthousiasmant. Si le film risque de diviser de part sa forme atypique, il représente un geste de mise en scène étourdissant, où les scènes situées au début du XXème siècle sont somptueuses, avec un goût proche des Cités obscures de Schuiten et Peeters. Sortie prévue le 7 février.


Dans la longue liste des films de Cannes 2023 dévolus à une sortie en 2024, on peut noter la sortie du Grand prix, La zone d’intérêt de Jonathan Glazer, cinéaste virtuose remarqué pour Under the skin en 2013. Son parti-pris de regarder Auschwitz du coté de la famille du commandant en chef du camp d’extermination est pour le moins glaçant, avec des choix esthétiques forts caractéristiques d’un auteur aussi singulier. Plébiscité par une majorité de la presse internationale à Cannes, cette sortie du 31 janvier devrait de nouveau provoquer des remous importants.


May December est le retour de Todd Haynes sur grand écran, quatre ans après son excellent Dark Water. Cette histoire sulfureuse, inspirée d’un fait-divers américain, s’attache aux répercussions psychologiques d’une famille très particulière. Julianne Moore et Natalie Portman portent cette histoire qui joue du malaise sans jamais verser dans le graveleux, dans une finesse caustique dont a le secret le réalisateur de Safe. Sortie prévue pour le 24 janvier.


Green border d’Agnieszka Holland est une autre date importante pour ce mois de février 2024. Filmée en noir et blanc à la frontière de la Pologne et de la Biélorussie, cette fiction s’attache à montrer l’itinéraire tragique de familles de réfugiés du Proche-Orient, désireux de rejoindre leur famille en Suède. Le contexte politique atroce qui entoure cette histoire, et sa prolongation dans les menaces subies par la réalisatrice pour avoir fustigé dans son film la brutalité des militaires des deux pays, rendent cette histoire particulièrement suffocante. Si les images y sont particulièrement difficiles à regarder par séquences, ce qu’elles transmettent demeure un grand moment de cinéma, dans ce qu’il a de plus politique et de plus fort.


Un an après sa Première à la Berlinale, 20 000 espèces d’abeilles se fraye enfin un chemin jusqu’à nos salles hexagonales, prévu pour le 14 février prochain. Cette sublime histoire de famille au Pays basque espagnol, qui met en lumière une petite fille trans qui peine à trouver sa place, est un bonheur d’intelligence et d’émotion. Premier film d’Estibaliz Urresola Solaguren, celui-ci s’insère parfaitement dans cette nouvelle scène espagnole où l’on retrouve, entre autres, Jonas Trueba et Carla Simon comme têtes de proue, sans oublier Itsaso Arana, qui a contribué à illuminer de classe l’année qui s’achève avec son premier film en tant que réalisateur, Les filles vont bien.


Le mois de mars n’est en reste en terme de propositions artistiques fortes et décalées, avec tout d’abord le récent Oeil d’or du PIFFF, Vampire humaniste cherche suicidaire consentant, réalisé par Ariane Louis-Seize. Cette histoire mi-horrifique, mi-comique, débarque du Québec, s’amusant à jouer avec les codes des films de vampires, avec une fraicheur et une sincérité proprement désarmantes. Le personnage de Sasha est une sorte de Mercredi Adams refusant les diktats de sa caste et son héritage familial trop lourd à porter. Sur ce postulat de vampire ne tuant pas, la réalisatrice réalise un bijou d’humour noir qui se distingue par son rythme et sa capacité à tenir son fil sans se perdre en cours de route. Une belle réussite pour ce qui constitue le premier long-métrage d’une jeune réalisatrice.


Autre proposition d’une jeune réalisatrice, ici chinoise, on retrouve Blue Summer (A song sung blue) de Geng Zihan, présenté à la Quinzaine des cinéastes en mai dernier. Une jeune fille se retrouve obligée de passer plusieurs semaines chez son père avec le départ en voyage d’affaire de sa mère. C’est l’occasion d’une éducation sentimentale entre cette adolescente introvertie et la très libérée belle-fille de ce géniteur qu’elle a perdu de vue. L’atmosphère éthérée et ouatée du film participe au charme qui s’y installe, entre culture chinoise et coréenne, sur fond de violence familiale qui modère la légèreté du ton du film. Ce premier film se distingue par la beauté de sa photographie et une belle mise en scène tout en contrastes.


Pour ce premier trimestre, il est difficile de ne pas signaler Los Delincuentes de Rodrigo Moreno, issu de la sélection officielle cannoise et de sa compétition Un certain regard. On y retrouve cette vibration propre au collectif El cine Pampero de Mariano Llinas, réalisateur notamment de La Flor. Récit long, plus de trois heures, il redouble les mêmes scènes autour d’un « braquage » opéré par un employé d’une banque. Plus qu’une histoire d’argent, Los Delincuentes est brillant dans tout ce qu’il ose, emmêlant les situations autour de personnages complexes, creusés dans leurs moindres détails. Le temps long du film permet à l’auteur une audace impossible sur un format plus court, à l’instar du Trenque Lauquen de Laura Citarella, autre film issu du collectif argentin. Le film de Rodrigo Moreno, cinéaste chevronné, est une splendide « boite à outils » qui superpose les couches de narration avec talent.


Enfin, pour clore ce panorama de dix films prévus pour le premier trimestre de cette année, c’est du coté de l’Allemagne et de La salle des profs que se porte notre regard. Ilker Çatak réalise ce film remarqué au Panorama de la dernière Berlinale, autour d’une jeune enseignante qui se retrouve plongée dans une controverse autour d’une série de vols dans son établissement. Histoire composite et subtile, La salle des profs a représenté l’Allemagne pour la sélection du meilleur film en langue étrangère aux prochains Oscars.


À venir : 40 films à attendre en 2023 – 2e partie