YESTERDAY
La ficheRéalisé par Danny Boyle – Avec Himesh Patel, Lily James, Ed Sheeran – Comédie, Musical – Grande Bretagne – 3 juillet 2019 – 1h56
Hier tout le monde connaissait les Beatles, mais aujourd’hui seul Jack se souvient de leurs chansons. Il est sur le point de devenir extrêmement célèbre. Jack Malik est un auteur-compositeur interprète en galère, dont les rêves sont en train de sombrer dans la mer qui borde le petit village où il habite en Angleterre, en dépit des encouragements d’Ellie, sa meilleure amie d’enfance qui n’a jamais cessé de croire en lui. Après un accident avec un bus pendant une étrange panne d’électricité, Jack se réveille dans un monde où il découvre que les Beatles n’ont jamais existé… ce qui va le mettre face à un sérieux cas de conscience.
La critique du film
Le réalisateur Danny Boyle (Steve Jobs) et le scénariste Richard Curtis s’attellent à une tâche ardue : rendre hommage à l’immense héritage et à l’influence toujours rayonnante de John, Paul, Ringo et George, 50 ans après la sortie de l’ultime album du groupe, « Let It Be ». Mais que se passerait-il si les Beatles n’existaient pas ? Cette fable imagine une réponse, en propulsant Jack Malik (Himesh Patel), professeur dont le rêve est de vivre de sa musique, au sommet de la gloire. Réécrivant et recomposant les tubes des Beatles de mémoire, Jack va accéder de façon supersonique à la célébrité – mais à quel prix ?
Aidé par sa manager et meilleure amie Ellie (Lily James), Jack va devenir obsédé par sa quête de succès jusqu’à abandonner en cours de route ceux qui lui sont chers. Sa rencontre avec Ed Sheeran sera alors une véritable porte d’entrée dans la cour des grands. La présence du musicien rouquin n’est d’ailleurs pas qu’un simple cameo prêtant à sourire, il permet au film d’offrir un commentaire pertinent sur le souvenir (Jack va refaire les mélodies et les arrangements des Beatles, aidé uniquement de sa mémoire) et la pop en général : les Beatles étaient décriés en 1964 par les critiques musicales tandis que la jeunesse se déhanchait sur « Can’t Buy Me Love » ou « Twist and Shout ». Ça ne vous rappelle rien ? C’est la même situation un demi-siècle plus tard avec Sheeran, détesté par la presse musicale en dépit d’un succès massif et d’une capacité à faire le pont entre la folk et le rock et des genres plus éloignés comme le r’nb ou le hip-hop. John Lennon/Ed Sheeran, même combat ?
Seul l’avenir nous le dira, même si il est toujours réducteur de dire que c’était mieux avant et que c’est forcément moins bien aujourd’hui… C’est toutefois un angle intéressant, d’autant plus que le film se veut profondément ancré dans son époque (des références contemporaines telles que Salah, Childish Gambino ou Google, des clins d’oeil sur le politiquement correct ambiant) et où les génies anglais du siècle passés reviennent sur le devant de la scène – l’ombre de Bowie plane encore jusqu’à avoir droit à son biopic, celles de Freddie Mercury et Elton John cartonnent au cinéma…
Let it be
À travers un concept intéressant et un scénario malin regorgeant de rebondissements bien sentis, ne transgressant jamais les règles propres à son univers, Richard Curtis dissimule une love story dont il a le secret, derrière une véritable déclaration d’amour aux Beatles. Un Danny Boyle assagi, dont les fulgurances de mise en scène se font trop rare au cours de ces deux heures, s’applique pourtant derrière la caméra à délivrer un film rythmé, jamais barbant, mais trop gentillet. On peut regretter un final expédié, quelques passages obligés typiques de la rom-com, et une caricature un peu grossière de l’industrie musicale mainstream, mais il est bien difficile de bouder son plaisir devant un long-métrage si généreux et malin qui parlera autant aux initiés de la bande de Liverpool qu’aux autres.
À ceux qui s’offusqueront d’un certain classisicme à l’oeuvre dans le film, il sera aisé de répondre que c’est parfois les recettes les plus connues qui sont les plus efficaces. Et si en plus, le film peut servir de porte d’entrée aux fans d’Ed Sheeran sur « Abbey Road », « Rubber Soul » ou « Revolver », c’est une victoire de plus pour les Fab Four. Hier comme aujourd’hui, « Yesterday » plus que jamais.