UNA
Quinze ans après avoir vécu une histoire passionnée, deux personnes se retrouvent.
Zone grise.
Séduite durant l’adolescence par un voisin et ami de son père, une jeune femme retrouve celui qui a abusé d’elle et se rend sur son lieu de travail. Que recherche Una par cette confrontation ? La vengeance, la réconciliation ? Le réalisateur Benedict Andrews entretient longtemps le flou dans son thriller psychologique troublant porté par une distribution impeccable.
Rapidement, le trouble que suscite Una devient encore plus déconcertant – d’autant plus dans le climat actuel exposant publiquement de nombreux hommes ayant abusé sexuellement de jeunes victimes. Pourtant, il demeure particulièrement intéressant de traverser les sentiments contrastés que procure son visionnage, notamment grâce aux très subtiles prestations de Rooney Mara et Ben Mendelsohn, dont l’alchimie à l’écran est frappante. Les deux comédiens offrent une partition complexe, donnant de l’épaisseur et plusieurs couches de lecture à leur relation passée (et présente). Dans de mauvaises mains, cela aurait pu être maladroitement glauque ou détestablement trash. Par chance, il y a bien plus à détricoter qu’il n’y paraît.
Adapté de la pièce Blackbird de David Harrower, par le metteur en scène venu du théâtre Benedict Andrews, Una utilise habilement les flashbacks pour lever sporadiquement le voile sur le passé des deux protagonistes, disséminant quelques indices sur l’état psychologique du personnage de Mendelsohn. Si le film reste encore un peu en surface, c’est certainement pour maintenir le spectateur dans un état d’inconfort et d’incertitude jusqu’au dernier quart d’heure qui ne livrera que quelques réponses. Faisant de Ray un homme perdu, incapable de résister à son attirance, le film pourrait clairement donner l’impression à certains spectateurs de lui trouver des excuses. Est-il un prédateur sexuel et un pédophile ? Est-il tombé follement amoureux de sa jeune voisine et a commis une énorme erreur de jugement ? Il appartient à la jeune femme, et indirectement au spectateur, de décider s’il pardonne à celui-ci son passé définitivement condamnable. D’aucuns trouveront qu’il n’y a pas à tergiverser, pourtant le thriller a l’intelligence de sonder une zone grise plus complexe.
Alors que Ben Mendelsohn est formidable dans la peau de cet homme difficilement lisible, Rooney Mara excelle (une fois de plus !), incarnant parfaitement le traumatisme psychologique absolu qu’implique un abus sexuel et psychologique. La culpabilité l’a détruite, l’empêche d’avancer et d’accepter les conséquences que cette énorme erreur d’adolescente a eu sur sa vie par la suite. Alors qu’il serait aisé de terminer le visionnage sur un point de vue définitif, en avançant des pions moraux indiscutables, Una a suffisamment d’arguments artistiques pour donner matière à de délicates discussions.
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