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LE RAYON VERT

C’est le début de l’été. Delphine avait prévu de partir en vacances avec une amie, mais celle-ci lui fait faux bond à la dernière minute. Delphine se retrouve très seule et plutôt déprimée. Invitée par des amis en Normandie et à la montagne, elle écourte finalement son séjour. Enfin, elle échoue à Biarritz où, hors des quatre murs de sa chambre, elle fait diverses rencontres. Les conseils d’une Suédoise affranchie ne font qu’aviver sa solitude, jusqu’à ce que les bribes d’une conversation sur le Rayon vert de Jules Verne l’incitent à reprendre espoir.

CRITIQUE DU FILM 

Entre les Six contes moraux et les Contes des quatre saisons d’Eric Rohmer, il y a les Comédies et proverbes. Comme les six autres films qui composent ce cycle sur le discours amoureux et la recherche du bonheur, Le Rayon Vert illustre une citation empruntée à la littérature. Ce sont donc les mots d’Arthur Rimbaud, « Ah ! Que le temps vienne où les cœurs s’éprennent ! », extraits du poème Chanson de la plus haute tour, qui introduisent le portrait de Delphine. Couronné du Lion d’or lors de la 43e Mostra de Venise, Le Rayon Vert développe sa fiction autour des improvisations de Marie Rivière, interprète de l’héroïne et coauteure des dialogues. Les conditions de réalisation de ce projet expérimental frôlant le documentaire témoignent plus que jamais de l’amour d’Eric Rohmer pour le naturel et la liberté.

Le Rayon Vert brille par sa faculté à concilier la banalité, l’ennui, le mal-être et les signes merveilleusement mystiques. On plonge dans la vie de Delphine alors qu’elle apprend que ses vacances en Grèce sont annulées à la dernière minute. La voilà confrontée à la langueur de l’été, elle qui dispose de longues et nombreuses journées de vacances. Que faire de tout ce temps libre ? L’Irlande, La Plagne, l’Espagne… Les propositions affluent de toutes parts. « Je ne suis pas une aventurière. » dit Delphine. Pour elle, partir seule n’est pas une option. Cette jeune fille d’une vingtaine d’années craint la solitude et rêve d’amour. Alors qu’elle passe d’une amie à l’autre, tentant de donner du sens à ces vacances et de fuir le désert estival parisien, Delphine attise l’incompréhension. Chacun y va de son conseil pour l’aider à être plus heureuse, moins seule. 

Des signes et de l’instinct

Ancré dans ses années 1980, Le Rayon Vert donne pourtant à voir l’histoire intemporelle du vague à l’âme en plein été. Delphine a du temps et besoin de vacances, mais elle n’a envie de rien : elle subit les affres d’un été solitaire. Devant la caméra attentive à la moindre larmes et aux silences, Marie Rivière donne à voir toute la fragilité et la complexité de son personnage, tandis qu’Eric Rohmer capture ces moments d’une spontanéité rare. 

le rayon vert

Delphine a beau être en plein désarroi, elle s’écoute avant tout et refuse de changer pour plaire. C’est là toute la beauté de cette héroïne. Consciente qu’elle doit avancer pour apaiser son mal-être, elle aime s’en remettre aux signes. Lors d’une discussion avec des amies, elle évoque avoir rencontré par hasard un médium qui lui a annoncé que le vert serait sa couleur de l’année. Son amie lui affirme que le vert est la couleur de l’espérance. Plus tard dans le film, lors d’une édifiante discussion sur le végétarisme, elle affirme être végétarienne « par instinct », avant de débattre sur la conscience et l’inconscience des choses. Delphine est donc une héroïne guidée par les signes et par son instinct : à mesure que les instants que nous partageons avec elle défilent, on aperçoit un changement qui s’opère, du désespoir à l’acceptation de la solitude. C’est lorsqu’elle assume pleinement sa solitude, au milieu d’une horde de touristes sur la Grande Plage de Biarritz qu’elle semble avoir atteint le point culminant de son périple intérieur. 

Elle est immédiatement attirée par la discussion d’un groupe à propos du roman de Jules Verne Le Rayon Vert. Doit-elle croire à un nouveau signe ? Après tout, Jules Verne écrivait lui-même à propos du rayon vert (un photométéore rare qui peut être observé au lever et au coucher du soleil) « Celui qui a été assez heureux pour l’apercevoir une fois, voit clair dans son cœur et dans celui des autres. ». Peut-être que ces évocations commencent à installer en elle une forme de sérénité, puisque peu de temps après, elle s’ouvre, pour la première fois du film, sans peur, à une rencontre avec Vincent. Et alors que l’épilogue du film se dessine, lorsque Delphine accompagne Vincent à Saint-Jean-de-Luz et lui propose d’aller voir le coucher du soleil, nous ressentons des émotions contradictoires. Apercevoir le rayon vert semble être le dernier espoir de Delphine de retrouver la vie et le bonheur. Sublimée par les notes de musique de Jean-Louis Valero, l’ultime scène du film évoque aussi bien l’apocalypse que la renaissance de l’héroïne.

Au-delà du film d’été et de vacances, Le Rayon Vert raconte sans jugement et avec une sensibilité merveilleuse la quête d’une héroïne en plein désarroi. Plus qu’une histoire, c’est un véritable chemin balisé par l’espoir que nous suivons, aux côtés de Delphine, en quête d’une preuve que l’extraordinaire existe, et qu’il fait bon de vivre.


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