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L’INSTITUTRICE

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Mauvais

Une institutrice décèle chez un enfant de 5 ans un don prodigieux pour la poésie. Subjuguée par ce petit garçon, elle décide de prendre soin de son talent, envers et contre tous.

Lapid erre.

Un garçon de 5 ans qui récite des poèmes sur l’amour déchu, la cruauté de la vie ou la mort d’un toréador, ça vous parait crédible ? Peu importe votre point de vue, le réalisateur légitime son histoire en revendiquant sa dimension quasi-autobiographique. Enfant, Nadav Lapid créait poème sur poème (ceux présents dans le film sont d’ailleurs les siens) jusqu’à ce qu’il réalise que « ce monde n’était pas fait pour les poètes ».

Si l’intention de réaliser un film sur la condition du poète est plutôt louable, le résultat est en revanche beaucoup plus contestable car il n’est pas question que de don poétique. Racontant l’obsession maladive d’une enseignante pour un de ses élèves qu’elle juge particulièrement prodigieux, L’institutrice dresse le portrait caricatural d’une femme antipathique – comme la plupart des personnages du film – capable de basculer dans la radicalité au nom d’une cause férocement égoïste. L’attitude de cette dernière, initialement honorable, devient progressivement ambiguë, inquiétante et carrément cruelle. Comment légitimer ses actes, des plus mineurs aux plus révoltants ? Certains gestes de l’enseignante sont difficiles à cautionner (Quelle institutrice réveillerait un enfant pour lui faire observer la pluie – enfant qui se lève d’ailleurs sans rechigner ? Quelle professeure d’école donnerait le bain à un gosse parce que celui-ci s’est roulé dans le sable ?). Mais passons sur ces incohérences déontologiques… Suivons plutôt cette femme qui a recours aux sévices corporelles (pincements, gifle) puis au harcèlement avant de commettre l’irréparable en abusant de sa position d’adulte ne voyant soi-disant que le don de cet enfant précoce. Au final, il y a dans cette relation un double-transfert (l’instit projette sur lui son sort de poétesse ratée mais aussi les regrets d’une mère) qui occulte complètement l’intention de départ et noie le poisson derrière un dénouement facile.

Beaucoup d’éléments dans le film dérangent tant par leur maladresse que leur propos. On le comprend rapidement, Nadav Lapid se considère comme un poète maudit, vivant dans un pays d’ignorants qui soutiennent majoritairement la guerre contre Gaza et ne prennent plus le temps d’apprécier la beauté du monde. Si l’on ne peut qu’adhérer au propos anti-matérialiste et cet amour des mots, comment en faire autant quand on voit le petit blondinet débiter sentencieusement des tirades absconses dont le sens ne peut que lui échapper ? Car il y deux problèmes majeurs dans L’institutrice : la crédibilité et de l’artificialité. L’enseignante intrusive échange des coups de fil (directs) avec l’enfant, le gamin utilise des termes pointus dont il ne peut décidément pas maitriser la complexité, des enfants de huit ans font quotidiennement la sieste – oui, je m’égare mais tout de même. Lapid filme tel un amateur expérimente, s’amusant avec sa caméra pendant le spectateur sombre dans l’ennui. L’affect est, lui, neutralisé par des dialogues froids et une mise en scène âpre ou théâtrale. Il ne reste alors que les mots, débités sans conviction et sans âme – un comble lorsque l’on souhaite sonder les affres de l’existence.

Derrière sa quête de sensibilité et ses bonnes intentions, Nadav Lapid ratisse large (vacuité du monde, lâcheté des hommes, bêtise militaire…) et entremêle les problèmes (névrose de la femme, place de la poésie dans le monde et marginalisation de l’art, conflits politiques) pour n’accoucher que d’un hymne bancal (et radical) à l’enfance volée. Pire, L’institutrice ne dissimule que très difficilement ses relents méprisants et misanthropes derrière une cause aussi brouillonne que désuète. Révoltant car mauvais (et non pas l’inverse) mais surtout majoritairement ennuyeux, le second film de Lapid ne convainc pas. 

La fiche
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L’INSTITUTRICE
Réalisé par Nadav Lapid
Avec Sarit Larry, Avi Shnaidman, Lior Raz
Israël – Drame
Sortie en salles : 10 Septembre 2014
Durée : 120 min




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